Le livre "Allah n'a rien à faire dans ma classe" a fait beaucoup parler de lui, y compris sur CathoBel. Ancien patron de l'Enseignement catholique, Armand Beauduin plaide en faveur de solides dialogues et d'accomodements raisonnables.
Le titre de l'ouvrage est maladroit, avec une allure de provocation. Par contre la question est pertinente. Tant nous avons des raisons de nous inquiéter de la montée, présentée comme irrésistible, de l’islamisme radical, de ses manifestations dans le monde scolaire (plus à Bruxelles qu’ailleurs) ainsi que du danger qu’il fait courir à la convivialité et au civisme. Pour ne rien dire de l’expansion d’écoles islamiques à forte tendance exclusiviste.
L'esprit de revanche
Les première générations d’immigrés en provenance d’Afrique du Nord ou de Turquie cherchaient à s’inscrire dans notre vie sociale et culturelle, comme un gage de leur émancipation économique et sociale. Elles n’ont pas été assez bien accueillies chez nous, elles ont trop souffert de discriminations pour être intégrées sans se sentir humiliées
Alors vient l’esprit de revanche de la troisième ou de le quatrième génération: le besoin d’affirmer son identité sous la forme, souvent agressive, des fondamentalismes vestimentaires ou idéologiques, du repli sur la ‘sharia’ ou sur les comportements marginaux illégaux.
Comment ne pas se crisper?
Comment faire sans se crisper? Certainement pas en tenant pour rien la conviction religieuse, le rapport à Dieu d’une laïcité radicale. Il faut ouvrir le dialogue, dans l’échange des arguments de raison pour retrouver une raison commune, des accomodements raisonnables, comme un temps au Québec
J'ai le souvenir d’avoir été sollicité au SeGEC dans les années 1990 par le président de l’Exécutif des musulmans de Belgique. Il voulait permettre le port du voile aux adolescentes des écoles catholiques, sinon aux enseignantes qui souscrivent au Projet Educatif chrétien. Il voulait aussi que ne soient pas refusé de former des élèves musulmans dans nos écoles normales, ni de les engager.
J’avais donné un accord de principe pour autant que soient remplies trois conditions:
a) l’acceptation des programmes scolaires - pas évidente en biologie, en histoire ou en éducation physique.
b) la liberté laissée aux non-voilées par les voilées.
c) que les voilées n’en viennent pas à former une communauté séparée du reste de la communauté scolaire.
Ces conditions étaient tellement difficiles à respecter que les Pouvoirs organisateurs des écoles catholiques ont généralement préféré interdire, dans les règlements d'ordre intérieur, le port d'un couvre-chef. Et il y a finalement peu de cas où cela se passe mal.
Cela n'empêche pas que telle école de la Chausse de Haecht, à Bruxelles, accepte que les élèves voilées en rue mettent ou enlèvent leur voile dans le hall d’entrée de l'école.
De même, le cours de religion catholique doit être exempté de toute tentation de prosélytisme et ouvert au dialogue interreligeux, dans le plus grand respect des choix de conviction.
Il y a là tout un chemin à parcourir, sans qu'il faille se laisser décourager par les occasions manquées.
Armand BEAUDUIN