Il y a un peu plus d'un mois, le pape François était en Belgique. Si cette visite a suscité un réel enthousiasme parmi les catholique belges, certains propos du pape à propos des femmes et de l'avortement ont suscité la polémique. Quelles suites attendre de ce voyage ? Trois femmes d'horizons différents en décryptent les aspects positifs et négatifs : Catherine Chevalier, professeure de théologie à l'UCLouvain, Marie de Lovinfosse, déléguée épiscopale dans le diocèse de Liège, et Caroline Sägesser, chercheuse au CRISP.
Parmi les sujets abordés en studio par les trois expertes, il y avait la polémique suscitée par les propos du pape sur les femmes, lors de sa rencontre avec la communauté universitaire de l'UCLouvain. Répondant aux questions des étudiant(e)s, François a déclaré : "La femme est accueil fécond, soin, dévouement vital. Ouvrons les yeux sur les nombreux exemples quotidiens d’amour, de l’amitié au travail, de l’étude à la responsabilité sociale et ecclésiale; de la vie conjugale à la maternité, à la virginité pour le Royaume de Dieu et pour le service."
Deux mondes culturels différents
Comment faut-il comprendre les propos du pape ? A-t-il voulu dire que les femmes devaient se contenter de leurs rôle d'épouse et de mère, et ne pas chercher à occuper des postes de direction, y compris dans l'Eglise? Pour la théologienne Catherine Chevalier, "c'est lui faire un faux procès de dire ça. Mais on voit bien que nous sommes dans deux mondes culturels tout à fait différents. Dans certaines vidéos, on voit que le pape est content d'engager des femmes au Vatican , parce qu'elles apportent quelque chose. Pour lui, elles 'gèrent les choses comme une maman'. On peut aimer ou non l'expression, mais il en a besoin des femmes en ce sens. Son idée n'est pas qu'elles restent à la maison, mais c'est une vision de la femme, c'est sûr".
Parler de notre expérience
Quelle est donc cette vision de la femme? Soeur Marie de Lovinfosse, déléguée épiscopale dans le diocèse de Liège, dit ne pas être dans le tête du pape, mais constater une chose : "Il encourage à ce que nous puissions marcher ensemble, hommes et femmes, d'où le synode sur la synodalité. Et comme pape, il doit tenir compte de toutes les sensibilités. Ce que je retiens de sa réponse à l'UCLouvain, et que je comprends qui est difficilement passé, c'est que nous sommes appelés, hommes et femmes, à parler de notre expérience. Et en nous écoutant mutuellement, découvrir les 1001 façon d'être hommes et femmes." Les hommes et les femmes sont-ils dès lors complémentaires ? Pour Marie de Lovinfosse, le terme de complémentarité est "ambigu", comme si l'autre venait combler un manque pour faire un tout. "Je préfère parler d'enrichissement mutuel", précise-t-elle.
Des fidèles à des stades différents
D'un point de vue extérieur, laïque, Caroline Sägesser, chercheuse au CRISP, souligne également le décalage culturel, comme la diversité au sein de l'Eglise. "A quelques rares exceptions près, les religions ne sont pas des fers de lance du féminisme. Je crois donc qu'il y a un décalage entre les valeurs de l'Eglise catholique, qu'elle soit soutenue par la théologie ou pas, et l'évolution du monde en Europe occidentale. Un décalage qui, pour l'instant en tout cas, ne peut pas être comblé. Et l'Eglise est-elle-même est confrontée à une grande difficulté, puisqu'elle est universelle et qu'elle doit composer avec des fidèles qui en sont à des stades différents dans le chemin vers l'égalité totale entre les femmes et les hommes. On sent bien que c'est un sujet qui reste extrêmement 'touchy'. Et c'était audacieux de la part de l'UCLouvain de mettre l'accent sur cette question, dont on savait bien qu'elle risquait de fâcher."
Christophe HERINCKX