Les élections communales ont surpris beaucoup d'observateurs en voyant l’extrême droite flamande accéder au pouvoir. À Ninove, d’abord, avec une majorité absolue, et à Ranst ensuite, par le biais d’une coalition avec les partis libéraux. Doit-on craindre que le Vlaams Belang prenne le pouvoir dans tout le pays ?
C’est une première depuis sa création : le cordon sanitaire a été rompu en Flandre. Depuis près de trente ans, ce principe politique empêchait l’extrême droite d’accéder au pouvoir. La raison même de ce “cordon” était de prévenir l’arrivée au pouvoir de personnes nostalgique du nazisme. Mais avons-nous alors oublié notre histoire ? Avons-nous ouvert la porte au grand méchant loup ? Peut-être pas.
Le cordon sanitaire : un principe de base
Avant tout, il est utile de rappeler ce que sont ces cordons sanitaires. En Belgique, cette expression empruntée au vocabulaire médical désigne un accord officieux entre les partis démocratiques, initié dans les années 1980. Cet accord engage ces partis à ne pas former de coalition avec les formations politiques jugées non démocratiques. À l’époque, cela visait le Vlaams Blok ; aujourd’hui, c’est le Vlaams Belang.
Un second cordon est d’ordre médiatique. Son objectif est de ne pas donner la parole directement à l’extrême droite dans les médias. Toutes leurs interventions sont donc filtrées et recadrées minutieusement pour éviter toute promotion d’idées racistes ou xénophobes, par exemple.
Les résultats des élections communales
Venons-en aux résultats des élections communales. Deux communes auront dès décembre des membres du Vlaams Belang dans leur exécutif. La première est Ninove, où le parti est arrivé en tête avec une majorité absolue. Dans ce cas, aucune coalition n’est nécessaire, et le cordon n’a donc pas été rompu. Rappelons tout de même qu’une enquête pour fraude électorale est en cours à l’heure d’écrire ces lignes.
La seconde commune est Ranst. Ici, la situation est plus complexe. Les deux partis libéraux de la commune se sont alliés pour former une coalition, mais il leur manquait encore un partenaire. Le Vlaams Belang et les écologistes étaient au coude-à-coude, chacun avec 14 % des voix. C’est finalement le Vlaams Belang qui a obtenu un poste d’échevin. Le cordon est donc rompu, mais selon Rik Torfs, ancien recteur de la KULeuven et invité dans Décryptages, il n’y a pas lieu de paniquer.
Prendre le temps de l’analyse
Pour le professeur Torfs, il est essentiel de prendre le temps de réfléchir et de poser les bonnes questions. Quel pouvoir réel possède un échevin seul ? La personne élue nourrit-elle de réelles ambitions politiques ?
Cela révèle une différence au sein des partis, entre les divers niveaux de pouvoir : “Au niveau local, on ne réfère pas aux leaders et aux figures de proue des partis traditionnels. Ce sont souvent des personnalités locales, membres des partis nationaux, mais avec peu de ferveur partisane.”
L’ancien recteur est formel : à Ranst, il ne se passera rien de notable. “En criant au loup, on risque seulement de fragiliser sa propre position en tant que protecteur de la démocratie. Je suis convaincu que la représentante du Vlaams Belang sera très heureuse de faire partie de l’exécutif local, mais qu’il ne se passera rien d’alarmant.”
Il est donc essentiel d’analyser distinctement les situations de Ninove, où il faudra observer ce que fera la majorité absolue durant son mandat, et celle de Ranst, où le rôle d’un seul échevin est limité. “Il faut rester nuancé dans ses propos tout en rejetant toute atteinte à la démocratie et aux droits de l’Homme”, conclut Rik Torfs.