Ce samedi matin, le pape François a rencontré de nombreuses personnes engagées dans la vie de l’Eglise catholique en Belgique. Six personnes lui ont adressé un bref message, partageant leur regards sur des aspects très variés de leur mission. Le pape y a répondu en partageant des pistes de réflexion. Et en mettant trois mots en avant: évangélisation, joie, miséricorde.
A son arrivée, le pape est accueilli par l'archevêque Mgr Luc Terlinden et Tony Frison, recteur de la Basilique. Très souriant, il entre dans la Basilique où résonne l'hymne de l'année sainte "Pèlerin d'espérance". Dans la cinquième plus grande église au monde sont rassemblés des évêques, prêtres, diacres, animatrices et animateurs pastoraux, consacrés et séminaristes de toute la Belgique. On note la présence du cardinal De Kesel, qui n'avait pas pu se rendre au Château de Laeken pour des raisons de santé.
"Initier les transformations pastorales"
Après avoir écouté attentivement les témoignages et interpellations d'un prêtre, un agent pastoral, un théologien, un religieux, un aumônier de prison et un responsable de la lutte contre les abus sexuels dans l’Eglise (voir plus bas), le pape François prend la parole pour un message empreint d'espérance et d'encouragements. S'exprimant devant quelque 3.200 personnes, il appelle à trouver le courage pour "initier les transformations pastorales qui touchent aussi les coutumes, les modèles, les langages de la foi, afin qu’ils soient vraiment au service de l’évangélisation". Il invite à accueillir "la joie du cœur suscitée par l’Evangile" qui "accompagne et soutient la vie même dans les moments sombres ou douloureux". Le troisième chemin avancé par François est celui de la miséricorde. "Nous pouvons tous faire des erreurs, observe le pape, mais personne n’est une erreur, personne n’est perdu pour toujours."
L'évangélisation: retour à l'essentiel
Face à la crise de la foi en Occident, l’Eglise est appelée à revenir à l'essentiel de l'Evangile. Ce temps de crise est perçu comme un "kairòs", un moment propice à une réflexion spirituelle profonde. Le christianisme passe d’une religion installée dans la société à un christianisme de minorité, centré sur le témoignage, ce qui demande des transformations pastorales. Les prêtres doivent aller au-delà de la simple gestion de l’héritage passé, en devenant des pasteurs engagés, proches du Peuple de Dieu et ouverts à la diversité des parcours de foi. L'unité dans l'Eglise ne signifie pas uniformité, mais harmonie dans la diversité.
La joie, signe de la présence de Dieu
La joie est ensuite évoquée comme une dimension essentielle de la vie chrétienne. Il ne s’agit pas d’une joie éphémère, mais d’une joie profonde, née de la proximité avec Dieu, même dans les moments difficiles. La présence de cette joie est un signe de la grâce et de l’Esprit Saint, et elle doit transparaître dans la prédication, les célébrations et le service de l’Eglise, car elle attire ceux qui se sont éloignés de la foi.
La miséricorde: cœur de la justice divine
Contrairement à la justice humaine, la miséricorde de Dieu relève, guérit et ne condamne jamais définitivement. Cela s’applique particulièrement dans l’accompagnement des victimes d’abus et des détenus. Personne n’est défini par ses erreurs, et Dieu offre à chacun une chance de rédemption.
L’Eglise doit donc être ouverte et accueillante. Pour exprimer cette idée, le pape se réfère à l’œuvre de Magritte "L'acte de foi", une porte ouverte sur l’infini, qui invite à avancer avec espérance. "L'œuvre représente une porte fermée de l’intérieur, mais qui est percée au centre, elle est ouverte sur le ciel. C’est une ouverture qui nous invite à aller au-delà, à regarder vers l’avant et vers le haut, à ne jamais nous refermer sur nous-mêmes. C’est une image que je vous laisse comme symbole d’une Eglise qui ne ferme jamais ses portes, qui offre à tous une ouverture sur l’infini, qui sait regarder au-delà. C’est l’Eglise qui évangélise, vit la joie de l’Evangile, pratique la miséricorde."
Voici une synthèse des six témoignages adressés au pape
Helmut Schmitz, prêtre et doyen d'Eupen, dans la région germanophone du pays, partage son bonheur de "célébrer la présence de notre Dieu". Il remercie le pape de son invitation au chemin synodal "qui libère de nouvelles énergies au sein de notre Eglise." Il adresse au pape cette question "comment un prêtre peut-il amener sa paroisse sur le chemin d'une société en paix et juste?"
Yaninka De Weirdt, jeune néerlandophone, membre de Kamino, partage à François les grands rêves que nourrissent les jeunes de Belgique: "l'un aimerait se vouer à une communauté aux prières intenses, aux célébrations enflammées, l'autre hésite et rassemble le courage pour une foi sans doute dont il sera le témoin. Un troisième rêve d'une Eglise curieuse, rigoureuse, intrépide où les jeunes peuvent être aux manettes et façonner l'avenir et la culture. Un quatrième veut aider à bâtir une communauté de fidèles où tous sont les bienvenus. Pour un cinquième d'entre nous, c'est le respect de la vie qui est essentielle." Avec ces différentes visions de leur mission, ces jeunes travaillent main dans la main pour construire "un récit commun" mais le repli sur ses positions peut être un frein. Yaninka De Weirdt demande au pape comment "rêver et œuvrer ensemble".
Le théologien de l'UCLouvain, Arnaud Join-Lambert, marié et père de trois enfants, est membre de la commission de méthodologie du synode pour le Secrétariat du Synode, commission dirigée par sœur Nathalie Becquart. Il se dit "très reconnaissant pour ce Synode sur la synodalité, une magnifique expérience de chercher ensemble – avec des membres de tous les continents – le meilleur moyen de faire participer les catholiques de toutes cultures et de tous âges." Sa question porte sur l'avenir de la synodalité en Occident sécularisé, "alors que les communautés ont des difficultés à se renouveler".
Mia De Schampelaere, ancienne députée aux Parlements flamand et fédéral, engagée dans l'accompagnement des victimes d'abus dans l'Eglise. Elle évoque "le flot de témoignages de victimes" qui se sont exprimées depuis 2010 pour dénoncer des abus commis par un prêtre ou un religieux. "Comme beaucoup de citoyens, nous avons ressenti de l’horreur, de la tristesse et de l’impuissance. Nous étions également choqués et honteux en tant que croyants. Nous avons eu l’opportunité de transformer la colère et la tristesse en aide concrète. En collaboration avec d'autres bénévoles compétents et expérimentés, nous prenons en charge les victimes. Nous leur offrons un espace sûr pour parler des souffrances qu'ils ont subies." "Dans cet engagement, poursuit-elle, j'ai d'abord pensé que je devais sauver l'Eglise du Christ, mais j'ai rencontré le Christ dans le moindre des siens, blessé dans le corps et dans l'âme." Observant que les victimes d’abus au sein de l’Eglise ont également vu leur confiance et leur foi ébranlées, elle demande "comment l’Eglise peut-elle voir, reconnaître et tirer des leçons des blessures des survivants?"
Sœur Agnès, 56 ans, a rejoint la communauté de Tibériade il y a trente ans où elle vit avec 11 sœurs et une trentaine de frères de sept nationalités. Avec sa communauté, sœur Agnès, a à cœur d'évangéliser les jeunes et les familles: "Par l’accueil et dans la mission, nous voulons faire découvrir la beauté du Christ et de l’Eglise." Elle demande au pape comment vivre la valeur de la fidélité et "exprimer que cette fidélité, éprouvée par la croix, est un chemin de bonheur?"
Pieter De Witte, aumônier de prison à Louvain et père de trois enfants. "Dans notre travail, nous sommes poussés par l'appel de Jésus à aller vers les prisonniers. Nous les rencontrons dans des circonstances très désastreuses. La prison est un lieu d'isolement, de frustration et d'incertitude", décrit-il. Pieter De Witte dénonce "un système carcéral destructeur" et la tendance de la société "à priver de liberté des groupes de plus en plus nombreux de personnes - auteurs de crimes, personnes sans droit de séjour, personnes souffrant de problèmes psychiatriques." Face à des détenus qui demandent avant tout plus de justice, il questionne: "comment devrions-nous, en tant que chrétiens – et en particulier en tant que chrétiens qui travaillent dans les prisons – considérer notre système pénal ?"