Selon Courrier International, trois guerres et dix-sept zones de conflit sont actives en ce moment. Et pourtant, les médias ne parlent plus que de l’Ukraine et de Gaza. Entre trop-plein d'information et choix éditoriaux, certains conflits sont totalement invisibilisés.
Nous entendons parler régulièrement de la guerre en Ukraine depuis le 24 février 2022 et de Gaza depuis le 7 octobre 2023. Depuis quand n’avons-nous pas entendu parler du Soudan, pourtant en proie à une guerre civile depuis le 15 avril 2023 ? Est-ce une guerre moins importante parce qu’elle est interne au pays ?
Il en va de même pour les autres conflits qui ont lieu dans le monde à l’heure d’écrire ces lignes. On en a peut-être entendu parler au début, mais aujourd’hui ? Combien de nouvelles sur les tensions internationales pouvons-nous insérer dans les flashs d’information et dans les journaux télévisés de chaque jour ? Pour Benoît Bourgine, professeur de théologie à l’UCLouvain, interrogé dans Décryptages, ce sont là le résultat de choix éditoriaux.
Un choix pour vendre du papier
Personne ne dira le contraire : si on parle plus d’un conflit que d’un autre, c’est en partie à cause des lignes éditoriales des différents médias. Et pour Patrick Balemba, responsable de recherche et d’animation chez Justice et Paix, il y a aussi l’aspect économique. « Il y a des guerres qui semblent être beaucoup plus ‘sexy’ à évoquer. »
Les médias auraient en effet tendance à rapporter ce qui touche le plus leur public. Si l’évocation d’un conflit ne produit pas de réaction, pas de ventes supplémentaires, alors on passe au suivant. Et lorsque cela « fonctionne », on peut entrer dans une sorte de feuilletonnage qui permet de garder les lecteurs ou les spectateurs.
Pour toucher le public, on s’intéressera évidemment à ce qui fait réagir, mais aussi à ce qui est proche. Pour Patrick Balemba, la proximité territoriale joue un rôle dans le fait qu’on entende ou pas parler d’un conflit « comme la guerre en Ukraine qui semble être à la porte de l’Europe. »
Enfin, Benoît Bourgine voit une dernière raison pour expliquer que certains conflits prennent toute l’attention médiatique : le poids symbolique. « Vous connaissez la maxime : no Jews, no news (pas de juifs, pas d’info, ndlr). Symboliquement, la guerre à Gaza voit s’affronter des juifs et des musulmans, c’est vendeur. Par contre, quand le camp de Yarmouk, au sud de Damas, a été vidé en 2015, on a très peu entendu parler de ces milliers de Palestiniens qui ont été tués. »
Un choix parfois contraint
Si le choix opéré par les rédactions est souvent éditorial, d’autres raisons peuvent être évoquées. La première est le manque d’information. Certains conflits se trouvent sur un territoire où les journalistes étrangers ne sont plus les bienvenus. C’est donc un véritable parcours du combattant d’obtenir des informations vérifiables et fiables pour ensuite informer les citoyens.
Pour répondre à ce problème, Patrick Balemba et Benoît Bourgine proposent une solution commune : engager des correspondants locaux et recouper leurs informations. Cependant, cette approche se heurte à une autre contrainte des médias : le temps. Aujourd'hui, l'information doit être diffusée toujours plus rapidement. Attendre que plusieurs correspondants envoient leurs informations, puis les recouper, prend du temps. Par conséquent, l'information arrive plus lentement, si elle arrive…