Dans une société qui invite à faire son deuil quitte à oublier les morts pour échapper à la souffrance de leur disparition, comment sont perçues les relations des vivants avec les défunts? Pour Au bonheur des morts – Récits de ceux qui restent, Vinciane Despret, philosophe et professeure à l’université de Liège, a mené une enquête sur "la manière dont les morts entrent dans la vie des vivants".
Il était une foi - Des voix de l'au-delà - Diffusée jeudi 2 novembre 2023 à 21h sur La Première
Réalisation et présentation: Laurent Verpoorten et Manu Van Lier
Dans certaines cultures, en Afrique, en Asie, au Mexique ou au Brésil, il semble naturel pour les vivants d’entretenir des liens avec les défunts par le rêve, le sentiment d’une présence, un esprit ou une voix. Mais qu’en est-il chez nous? La philosophe Vinciane Despret a mené l’enquête. Dans l’émission Perspectives (RCF Liège), Vinciane Despret explique à Laurent Verpoorten que l’idée de cette enquête est née d’une histoire personnelle: le décès de sa petite sœur, en 2003. "Au-delà de la catastrophe que ça a représenté, je constatais que plusieurs questions me taraudaient: qu’est-ce qu’elle ne peut plus faire et qu’elle souhaiterait que je fasse? Qu’attend-elle de moi? Est-elle quelque part?" L’auteure a entrepris de collecter des témoignages et des expériences de "ceux qui se rendent capables d’accueillir la présence des défunts" et de les analyser à la lumière de l’anthropologie, la psychologie et la philosophie.
Au bonheur des morts - Récits de ceux qui restent
Vinciane Despret - Editions La découverte
" Faire son deuil ", c'est l'impératif qui s'impose à tous ceux qui se trouvent confrontés au décès d'un proche. Mais se débarrasser de ses morts est-il un idéal indépassable auquel nul ne saurait échapper s'il ne veut pas trop souffrir ?
Vinciane Despret a commencé par écouter. " Je disais : je mène une enquête sur la manière dont les morts entrent dans la vie des vivants ; je travaille sur l'inventivité des morts et des vivants dans leurs relations. "
Une histoire en a amené une autre. " J'ai une amie qui porte les chaussures de sa grand-mère afin qu'elle continue à arpenter le monde. Une autre est partie gravir une des montagnes les plus hautes avec les cendres de son père pour partager avec lui les plus beaux levers de soleil. À l'anniversaire de son épouse défunte, un de mes proches prépare le plat qu'elle préférait, etc. "
L'auteure s'est laissé instruire par les manières d'être qu'explorent les morts et les vivants, ensemble ; elle a appris de la façon dont les vivants qu'elle a croisés se rendent capables d'accueillir la présence des défunts. Chemin faisant, elle montre comment échapper au dilemme entre " cela relève de l'imagination " et " c'est tout simplement vrai et réel ".
Depuis un certain temps les morts s'étaient faits discrets, perdant toute visibilité. Aujourd'hui, il se pourrait que les choses changent et que les morts deviennent plus actifs. Ils réclament, proposent leur aide, soutiennent ou consolent... Ils le font avec tendresse, souvent avec humour.
On dit trop rarement à quel point certains morts peuvent nous rendre heureux !
PRIX DES RENCONTRES PHILOSOPHIQUES DE MONACO 2016
PRIX DE L'ACADEMIE ROYALE DE LANGUE ET DE LITTERATURE FRANÇAISES DE BELGIQUE 2019
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