Commentaire de l’évangile du 33e dimanche du Temps Ordinaire A : « Dessein de Dieu, dessins de l’homme »


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Commentaire de l’évangile du 33e dimanche du Temps Ordinaire A : « Dessein de Dieu, dessins de l’homme »
Par Angèle Mamuza
Publié le
3 min

Notre commentateur de ce dimanche nous fait part de sa réflexion autour de l'évangile du jour intitulé "Tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup"...

Les paraboles de Jésus dessinent le don de Dieu pour aujourd'hui, car le Royaume qu’elles annoncent est bel et bien déjà parmi nous. Tel est le dessein du Seigneur. Merci donc aux exégètes, qui nous empêchent de lire dans la parabole des talents une projection menaçante pour l’Au-delà, l’esquisse d’un Dieu avide de retour sur investissement! Car ils signalent qu’en grec, le verbe traduit ici par confier sert aussi pour dire que Jésus s’est livré pour nous. Les talents confiés sont un don sans retour. Les serviteurs qui le reçoivent en ont désormais la libre jouissance. L’exégèse poursuit: à son retour, le maître ne demande pas des comptes (donner, c’est donner!) mais il souhaite se rendre compte de ce que chacun a fait, fortune en poche.

Au fond, c’est simple comme une maman qui donne de quoi dessiner à ses enfants. Quelle joie se promet-elle lorsqu’ils accourront en montrant leurs chefs d’œuvre! Pour l’aîné dont elle pressent les talents (!) artistiques, une grande boîte de crayons de couleurs. Sa sœur, elle, une passionnée des sports, saura quoi faire de six feutres aux teintes flashy… Leur mère s’extasiera-t-elle davantage devant le roi des Elfes qu’en découvrant une Bugatti Chiron jaune et bleu? Non, bien sûr. De même, dans la parabole, qu’ils aient fait fructifier cinq ou deux talents, le maître honore absolument de la même façon les deux serviteurs qui ont déployé le dynamisme qu’il leur supposait. Plus question de les traiter en esclaves, ni de comparer leurs aptitudes, tous deux entrent dans sa joie - celle du banquet - accueillis désormais en collaborateurs, en amis.

Pour méditer sur le troisième serviteur, l’univers des dessins d’enfants ne parle plus, hélas. Cet homme méprise tant son maître qu’il n’a pas voulu croire qu’il lui donnait une grosse somme d’argent. Il a flairé un piège, qu’il a cru éviter en mettant le magot à l’abri jusqu’au retour de l’exploiteur… Ce comportement, tout de haine et de stérilité, suggère les ravages d’une conception méfiante et morbide de l’existence. Et la logique de la mort se met en branle. Ne pas croire en la vie fait peu à peu mourir. Dans l’univers des paraboles, "les ténèbres extérieures" ne sont pas un châtiment; c’est, mis en image, matérialisé en un lieu concret, l’état intérieur où croupit celui qui s’est, en fait, toujours coupé de la vie. Le maître ne punit pas son esclave; il entérine son choix de vivre en esclave, alors qu’il lui offrait de devenir son ami…

Oui, la parabole des talents est rude à entendre. Non qu’elle dresserait de Dieu un portrait angoissant - ses dons seraient des tests, sa générosité, provisoire et intéressée. Mais elle raconte que le Seigneur se heurte à la défiance, à la peur, à tout ce qui nous retient de laisser la vie confiée se répandre en nous et autour de nous. Pourtant, dans l’atelier du cœur, jour après jour, Dieu fournit à chacun toile, pinceaux, couleurs. Et par petites touches - Vert pastel? Rouge profond? En peintre du dimanche? En nouveau Rembrandt? qu’importe - il me confie la vie à peindre. Ma vie.

Père Philippe ROBERT, sj

 

Légende photo: Parabole des talents, Andrey Mironov

Catégorie : L'actu

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