Derrière l’intitulé d’une « responsable de projet régional », nous découvrons une jeune trentenaire qui
raconte en détail trois ans de vie partagés entre cinq pays d’Afrique. Griet Van de Voorde revient sur
cette expérience menée avec l’ONG Handicap international.

« La Belgique n’est pas un bon élève pour l’éducation inclusive! » Celle qui pose ce constat l’appuie sur les actions mises en œuvre dans d’autres pays: le Bénin, le Mozambique, le Rwanda, l’Ethiopie ou Madagascar. Au vu de ce que Griet Van de Voorde a découvert pendant trois ans intensifs dans ces différentes régions, elle en déduit qu’on peut « mieux faire. »
La jeune femme âgée de 34 ans aujourd’hui est sensibilisée à cette problématique de l’inclusion des personnes handicapées depuis l’enfance. « Je vendais des petits trucs pour financer des projets« , se souvient-elle. C’est aussi pour cela qu’elle a entrepris des études de sciences économiques, « option macro », précise-t-elle. Et qu’elle a commencé, il y a tout juste dix ans, à travailler à Handicap international.
C’est une chose de partir passer des vacances au Kenya ou à Madagascar. C’est autre chose de choisir, avec son mari, de déménager pour une longue durée dans un pays d’Afrique. « Moi je voulais partir, lui [qui travaille dans l’informatique] était d’accord sur l’idée…« , reconnaît-elle. Encore faut-il préparer ce grand déménagement: « Il fallait savoir ce dont nous aurions besoin, et ce que nous pourrions trouver sur place.«
Ce grand chambardement de leur existence a eu lieu en février 2020. Alors, évidemment, le Covid a retardé la mise en place de ce projet. Griet raconte: « Je suis effectivement partie le 27 février, mais avec un visa de 30 jours que je devais faire prolonger sur place. Toutes les administrations étant fermées, j’ai dû rentrer en Belgique et y rester jusqu’à la fin août.«
Chaque pays détermine sa priorité
L’adaptation au contexte sanitaire, par exemple le port du masque, n’a cependant pas empêché la jeune femme d’aller de l’avant dans le projet HELASIA d’Handicap international. Derrière cet acronyme en anglais (pour Health, Education & Livelihood Africa: a Sustainable Inclusion Approach) se cache une multitude d’actions pour rendre la santé et l’éducation accessibles à tous, en particulier pour les enfants porteurs d’un handicap physique, sensoriel ou intellectuel.
En commençant le travail avec les différents pays concernés – Ethiopie, Rwanda, Madagascar, Mozambique et Bénin –, Griet a suivi chacun dans la priorité qu’il s’était donné. Au Rwanda, par exemple, les efforts portaient sur la formation professionnelle dans des écoles techniques. Au Bénin, la formation
était plutôt tournée vers l’emploi.
En parallèle, la jeune femme a contribué avec les acteurs locaux à faire évoluer la représentation des personnes handicapées. Au-delà du jargon technique, son travail a aussi permis d’inculquer une
méthode et un savoir-faire dans les activités des associations locales de ces cinq pays d’Afrique. « J’ai vu grandir les équipes ainsi que le nombre de personnes formées« , souligne-t-elle maintenant qu’elle est de retour en Belgique. Les exemples ne manquent pas. Au nom d’Handicap international, Griet a d’abord expliqué aux équipes locales comment accéder à des subsides. « Quand je suis revenue sept mois plus tard au Rwanda, se souvient-elle, sept associations en avaient déjà demandé. » Griet s’est aussi efforcée de valoriser la démarche des acteurs africains. « Nous leur avons proposé de mettre en place des micro-actions, soutenues avec quelques fonds. Même celles qui n’avaient pas été retenues pour le financement bénéficiaient d’un retour sur notre appréciation du dossier. Elles ont pu apprendre de ce processus.«
La jeune femme évoque alors les différents projets sur lesquels elle a accompagné les équipes d’Ethiopie, de Madagascar, du Bénin, du Rwanda et du Mozambique. Citons par exemple l’association des femmes en situation de handicap, à Madagascar. Une courte vidéo documentaire réalisée par l’AFHAM montre « la double discrimination dont [les femmes] sont victimes dans leur vie quotidienne, résultant notamment de leur handicap et de leur statut de femme considéré comme « inférieur » dans la société patriarcale malgache. » Après la projection devant la présidente de l’île, un débat a contribué à réfléchir sur la manière d’inclure
les femmes porteuses de handicap dans les situations de vie quotidienne.
Aider les enfants aux situations particulières
En conclusion, Griet note que « la Belgique n’est pas un tellement bon élève en matière d’éducation inclusive. Le Mozambique, le Bénin et les autres pays d’Afrique où j’ai été en poste ont obtenu plus avec de petits efforts. Beaucoup de résultats dépendent de l’attitude des enseignants et des élèves. Et ça ne coûte pas tellement!«
Notre experte d’Handicap international raconte deux situations: « Dans une école en Ethiopie, les enfants devaient amener eux-mêmes une pierre sur laquelle s’asseoir! Excluant ainsi les enfants avec un handicap. Nous avons donc équipé cette école de bancs et de tables pour tout le monde. » Ailleurs, l’effort conjoint de la structure locale et d’Handicap international a permis d’adapter la hauteur du bureau d’un
élève de petite taille, ce qui l’a aidé à pouvoir suivre les cours dans de bonnes conditions.
🎧 Retrouvez l’interview du nouveau directeur d’Handicap international, en Belgique
Griet Van de Voorde constate que cette expérience de trois ans immergée dans quelques pays du continent africain l’a changée. « J’étais déjà sensible et ouverte à une diversité culturelle« , souligne-t-elle. « J’ai beaucoup appris en travaillant avec des gens de différentes cultures. Chacun m’expliquait comment l’éducation et les jeunes générations nous instruisent. Le regard sur les situations était différent d’un pays à l’autre. » La jeune femme a également progressé dans les techniques de négociation pour résoudre des situations conflictuelles. « J’ai beaucoup appris sur les relations interpersonnelles en les observant. » Si le projet HELASIA s’est arrêté dans ces cinq pays faute de financements, Griet Van de Voorde ne manque pas de projets avec Handicap international. Les valises seront vite prêtes pour repartir, nous assure-t-elle.
✐ Anne-Françoise de BEAUDRAP

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