Le 1er mars dernier, Antoine Sepulchre a pris la direction de Handicap International Belgique. Attaché aux valeurs de solidarité et de partage, le jeune homme a préféré le monde de l’humanitaire à celui du business privé. Il est conscient que son ONG doit évoluer en permanence pour répondre aux défis de l’heure.

Pleins Feux sur Antoine Sepulchre – première diffusion: lundi 17 avril sur 1RCF Belgique
Nous sommes en 2017, quelque part entre la Patagonie et la Colombie. C’est pour la nature qu’Antoine Sepulchre et son épouse ont choisi de faire ce périple au long cours. Le sac à dos bien accroché, ils ont décidé, pour leur voyage de noces, de s’offrir une longue randonnée – et un profond temps de déconnexion. Les deux amoureux ne sont pas seulement là pour construire les fondations de leur couple. Alors qu’il travaille dans le privé depuis sept ans, Antoine, ingénieur de gestion, vient de démissionner et s’interroge sur son avenir professionnel. « Ce voyage m’a permis de prendre du recul par rapport à mon parcours de vie et de confirmer des changements importants », relit-il aujourd’hui. « A l’époque, je n’avais pas encore trop d’obligations financières, de contraintes. »
Aligné à ses valeurs
La question-clé? Celle du sens. Le jeune homme n’est pas malheureux là où il est. En même temps, immergé dans un univers très compétitif, confronté à des luttes d’ego, il aspire à autre chose. « La question du sens au travail a gagné en importance au fil de ma carrière », explique-t-il. « Je me suis progressivement rendu compte à quel point il était essentiel pour moi d’être aligné sur certaines valeurs fondamentales telles que la solidarité, le partage, l’amour, la joie, la bienveillance. » Des valeurs qui sont aussi importantes dans la religion catholique. Un hasard? Non. « Je viens d’une famille catholique. C’est important pour moi, précisément pour ces valeurs qui m’ont été transmises. Jeune, je ne m’en rendais pas compte. Je me souviens que je traînais parfois les pieds pour aller à la messe… Mais avec le recul, je m’aperçois que ces valeurs essentielles m’accompagnent encore quotidiennement. Et je pense qu’elles me permettent d’être une personne meilleure… »
Un ami lui a parlé de Handicap International. D’un poste qui venait de s’ouvrir. A peine rentré d’Amérique latine, Antoine Sepulchre obtient un entretien auprès de l’ONG. La rencontre est censée durer quinze minutes; elle dure trois heures et demie… Le contrat est rapidement signé. Nous sommes en mai 2018, et le jeune homme débarque dans un nouveau monde. Exit le costume-cravate, place au t-shirt! « J’étais habitué à un environnement très formel, et j’ai découvert un lieu où les collègues pouvaient être davantage eux-mêmes. Au début, c’était bizarre. En même temps, cela crée un climat que j’ai trouvé très sain. »
Inclusion, déminage et plaidoyer
Recruté comme Business Development Manager, le jeune marié va progressivement découvrir les rouages d’une ONG qu’il ne connaît alors que mal. Handicap International est née en Thaïlande au début des années 1980. A l’époque, elle s’engage dans des camps de réfugiés, venant en aide aux personnes victimes de mines antipersonnel. Quarante ans plus tard, l’ONG est active dans 60 pays, principalement là où règnent la pauvreté et les conflits. Si elle aide surtout les personnes en situation de handicap, elle accompagne aussi d’autres personnes, en situation de grande vulnérabilité. L’objectif n’est pas seulement d’apporter une aide matérielle ou des soins; il s’agit aussi de permettre aux personnes de (re)trouver une place dans la société.
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Les chantiers sont innombrables. « Les experts nous disent que si la guerre en Syrie venait à complètement s’arrêter aujourd’hui, il nous faudrait au moins 60 ans pour décontaminer le territoire », raconte, à titre d’exemple, Antoine Sepulchre. « Les démineurs professionnels, notamment au sein de l’armée, déminent prioritairement les villes, les aéroports, les hôpitaux… Mais une série d’autres endroits ne sont pas pris en compte par les grands acteurs. C’est là, précisément, que le déminage humanitaire peut apporter une force supplémentaire et essentielle aux populations. » Depuis quelques années, pour déminer certaines zones, l’ONG utilise des drones équipés de caméras thermiques. Les appareils peuvent alors, avec une extrême précision, cartographier de larges territoires. Et repérer les engins explosifs qui se trouveraient même sous terre.
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Outre le travail sur le terrain, l’ONG mène, au niveau international, un travail de sensibilisation. Ainsi, en Belgique, ce n’est pas dans le déminage que Handicap International est engagée, mais dans le plaidoyer. « Nous sommes ici pour sensibiliser le grand public et le politique à ces enjeux », détaille Antoine Sepulchre. « Lorsque nos décideurs décident d’investir de l’argent dans le domaine de la coopération au développement, nous voulons qu’ils tiennent compte d’une série de questions. » Les élus se montrent-ils à l’écoute de l’ONG? « Les politiques travaillent sur énormément de sujets. Ils sont donc à la recherche d’expertises. Nous en avons une, et nous sentons une écoute sur les points que nous connaissons. »
Décolonisation et empreinte écologique
Après cinq années au sein de la branche belge de l’ONG, Antoine Sepulchre vient donc d’en prendre la tête. Parmi les objectifs annoncés figure celui de « mettre l’accent sur l’innovation et la transformation de nos modes de fonctionnement ». « Le monde évolue très vite », insiste-t-il. Et l’homme de citer la thématique de la décolonisation. « Il y a 20 ou 30 ans, nos modèles s’appuyaient sur l’envoi de très nombreux expatriés. Partout dans le monde, c’étaient des Blancs qui étaient à la tête des programmes. Ce modèle est en train de disparaître. Aujourd’hui, près de 90% de notre staff est composé de personnel autochtone. Notre ONG se conçoit de plus en plus comme un ensemble d’organisations locales qui peuvent toutefois bénéficier de la force du réseau. »
Autre défi: le respect des limites de la planète. « L’an dernier, nous avons réalisé un bilan carbone. En l’occurrence, vu qu’on est une ONG multinationale, les transports représentent une partie significative de notre empreinte. Nous prenons des mesures pour la réduire. Exemple: pour les déplacements en Europe, on utilise exclusivement le train. De manière générale, quand on doit visiter certaines zones, on tâche aussi de privilégier les déplacements moins nombreux mais plus longs. »
Vincent DELCORPS

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