
Les faits remontent à une quinzaine d’années. Et, jusqu’à aujourd’hui, ils n’ont encore jamais été révélés. Je le confesse solennellement: il m’est déjà arrivé de prier entre les murs de l’ULB.
Et pourtant, je savais bien que je me trouvais dans un temple historique de la liberté de pensée. Que ce campus était le lieu de la lutte contre tous les dogmatismes. Le terrain de chasse des pourfendeurs de l’obscurantisme religieux.
Malgré cela, en connaissance de cause et en pleine conscience, j’ai donc prié.
Sans doute avais-je des circonstances atténuantes. J’étais un peu stressé. C’était juste avant un examen oral que je devais présenter – et juste après l’avoir réussi, aussi. Etait-ce une prière clandestine? Je crains de devoir l’admettre: c’est en cachette que j’ai prié, et sans en avoir demandé l’autorisation à quiconque. Prière sauvage? N’exagérons quand même rien…
Pourquoi vous partager ceci aujourd’hui – non sans un brin d’ironie? Certainement pas pour tourner en dérision qui que ce soit. Mais peut-être pour mettre en évidence quelques dangers que la récente polémique autour des prières clandestines à l’ULB (voir en p. 4 du journal Dimanche de cette semaine) a fait surgir.
Un premier danger consiste à donner une image erronée de la prière. A lire certains commentaires publiés ces derniers jours, on finirait par croire que la prière est mauvaise ou dangereuse. Rappelons qu’elle n’est jamais qu’une rencontre gratuite entre une personne et celui qu’elle croit être son créateur. Et qu’elle figure parmi les droits les plus fondamentaux de l’être humain.
Un deuxième danger existe: celui d’opposer trop fortement pensée religieuse et pensée scientifique. Certes, au fil du temps, ces deux logiques se sont souvent frottées. Constatons qu’elles relèvent de registres différents. Depuis longtemps, cependant, il est établi qu’elles peuvent sereinement coexister. Voire même s’enrichir mutuellement. Le nier revient à méconnaître les progrès de l’histoire. Ou à faire preuve de mauvaise foi…
Un troisième danger existe: celui qui consiste à faire passer pour prière ce qui relève d’un autre registre. Ou à cacher sous le masque de la religion des revendications d’un autre ordre – voire d’un autre âge. En la matière, croyants et non-croyants sont appelés à une vigilance commune: gardons à l’esprit que lorsqu’une « religion » ne vise plus à créer du lien mais à bâtir des murs, sans doute n’est-elle plus tout à fait… une religion.
Vincent DELCORPS