Une sacrée personnalité, voilà comment apparaît le clarinettiste qui n’hésite pas à jouer des morceaux venus tout droit de l’enfer. Hélios Azoulay partage, à présent, son enthousiasme pour les dessins d’un père, prisonnier dans un camp de concentration, à son fils. Derrière cette histoire extraordinaire se cache peut-être sa propre quête paternelle.

d’un autre ». © CathoBel/AT
Compositeur, directeur musical de l’Ensemble de Musique Incidentale, clarinettiste et écrivain, Hélios Azoulay jongle avec les fonctions. Un « musicien-archéologue », ainsi est-il souvent qualifié. Loin de s’appesantir sur la morbidité des lieux que sont les camps de concentration, le chef d’orchestre défend une autre vision de l’art. A la question de savoir comment la beauté peut surgir au milieu de tant d’horreur, le musicien cite Romain Gary: « le désespoir, c’est seulement un manque de talent ». Son rire tonitruant serait-il une forme de survie face à l’insoutenable? « Un hommage ne sert pas à enterrer une deuxième fois les morts. Je trouve cela follement intense. »
Pourquoi êtes-vous qualifié de musicien-archéologue? C’est plutôt inédit.
Voilà plus de dix ans que je m’occupe de jouer le répertoire bouleversant des musiques composées dans les camps. On pourrait se dire que tout cela est morbide. Moi, je crois l’exact contraire. Les gens qui ont été assassinés là-bas ne réclament que la vie. D’ailleurs pour être mort, il faut bien avoir été en vie.
En 2023, les survivants de la Shoah sont de moins en moins nombreux. Comment faire pour que le monde se souvienne sans eux, cette fois?
Il faut être là, être présent. Toute grande œuvre d’art a la capacité d’absorber le présent, elle est un témoignage objectif. Au moment où un artiste crée, il grave le présent qu’il est en train de vivre. La mémoire n’est rien d’autre que celui-ci gravé. Et si vous me permettez un jeu de mots, c’est même le présent aggravé, dans le cas de Terezín et des camps.
Cela fait maintenant des années que je donne beaucoup de concerts et de témoignages. Des gamins peuvent parfois rire devant des images d’archives ou devant un professeur d’histoire qui leur annonce un chiffre, six millions par exemple. Par contre, quand je joue une berceuse composée dans les camps ou lorsque je leur montre les dessins de Tommy, je n’ai jamais eu aucun gamin qui a pouffé de rire. L’art est un témoignage qui vient de l’âme d’un homme au cœur d’un autre. Et ça, c’est incontestable.
Propos recueillis par Angélique TASIAUX

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