"Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel..." Voici les premières paroles prononcées par Jésus pour l'évangile de ce dimanche et le commentateur de nous partager sa réflexion:
Vous savez que la fête du Saint-Sacrement – la Fête-Dieu – a été pour la première fois instituée à Liège. L’histoire est d’abord celle de la vision de Julienne de Cornillon, en 1209, d’une lune échancrée, dont il manque un morceau, comme s’il manquait quelque chose au rayonnement eucharistique de l’Eglise.
C’est la grande préoccupation du XIIIe siècle: la présence réelle de Dieu dans l’hostie consacrée et dans le monde. On est au temps des Cathares, une secte chrétienne prétendant que le monde est fondamentalement mauvais, créé non par Dieu mais par le Diable, que le corps humain est mauvais, corruptible et mortel, que le Christ n’est qu’un être spirituel. Ce que proposent les Cathares c’est tout bonnement un désenchantement du monde: pour eux, Dieu a déserté la Création.
C’est d’ailleurs pour contrer cette idéologie que saint François écrira le Cantique des Créatures; pour dire que le Soleil, la Lune, les pluies et les vents sont des créations de Dieu, qu’ils sont nos frères et nos sœurs. Et c’est encore pour répondre aux Cathares qu’il invente la crèche. Peut-être ne le savez-vous pas mais, dans la première crèche, saint François n’avait pas mis d’enfant dans la mangeoire. Il y avait mis un pain, expressément pour affirmer la présence réelle de Dieu dans l’Eucharistie et donc dans le monde d’aujourd’hui.
A l’instar des Cathares, notre époque a évacué la présence réelle de Dieu. Si pour beaucoup de nos contemporains Dieu existe encore, il a été repoussé bien loin dans le ciel. Aujourd’hui, pour beaucoup, Dieu est un Dieu qu’on rencontrera éventuellement au moment de la mort, mais il n’a plus vraiment de présence réelle dans la vie de nos contemporains.
Même la Nature nous apparaît malade et polluée. Notre monde est à nouveau gouverné par un mauvais génie et ce diable responsable de tous les maux de la Terre, c’est désormais l’homme. Pour les Cathares, Dieu avait déserté la Création; pour notre époque, il a déserté l’Humanité. Ils sont de plus en plus nombreux à penser l’homme intrinsèquement nuisible, responsable de toutes les pollutions, de tous les maux.
Il est urgent de reproposer une "Eglise Saint-Sacrement", une Eglise qui offre la présence de Dieu aussi simplement, aussi humblement, que s’offre le pain; une Eglise qui, visiblement, se nourrit et vit de la présence actuelle de Dieu; une Eglise qui témoigne de cette présence réelle, incarnée, donnée aujourd’hui au monde.
C’est d’abord par notre propre sacrement, notre propre sanctification que nous pourrons participer à ce réenchantement de l’Humanité. Où sont les saints d’aujourd’hui, les hosties vivantes données au monde pour l’amour de Dieu? Plus que nous effrayer, l’état actuel de l’Eglise, le mépris croissant des religions devraient nous inciter à endosser la responsabilité de mieux incarner la présence eucharistique aujourd’hui.
Seigneur, fais de nous des hosties vivantes, ta présence nourrissante offerte à notre monde.
Frère Laurent MATHELOT, o.p.
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