L’évangile de ce jour est intitulé « Dieu a envoyé son fils pour que, par lui, le monde soit sauvé ». Voyons avec notre commentateur sa réflexion autour de celui-ci.
Ils ne sont pas rares les penseurs qui, à travers l’histoire, ont réduit Dieu à une invention humaine. Certains se sont demandé si l’homme ne l’avait pas créé de toute pièce à son image et à sa ressemblance. Ces raisonnements ne sont pas dénués de fondements quand on voit combien Dieu peut servir d’alibi aux pires exactions. Certainement, l’être humain ne se prive pas d’instrumentaliser Dieu pour servir sa cause, une cause pas toujours honorable.
Cependant, la fête que nous célébrons et les textes bibliques qui nous sont proposés mettent en difficulté ce genre d’hypothèses. En effet, si vraiment Dieu était à l’image de l’être humain, il serait sans doute puissant mais aussi violent, cupide, vengeur, profiteur, égoïste, injuste… Or, l’extrait de l’Exode comme l’Evangile de Jean, le décrivent bien différent. Attention, il ne s’agit pas de considérer ces écrits comme les éléments d’une définition de Dieu. Celui-ci est toujours bien au-delà de nos pauvres mots, il dépasse tout concept, il transcende toute acception.
Mais ces textes ont le mérite d’exprimer d’abord une expérience de foi: celle de l’alliance d’un peuple avec son Dieu, celle du compagnonnage des disciples avec Jésus. C’est heureux car l’expérience est plus à même de nous faire entrer dans le mystère de la foi que tous nos raisonnements. Il ne s’agit pas de mettre notre intelligence au placard mais d’abord de se laisser saisir par ce Dieu qui s’approche de nous et se révèle. « Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer là auprès de Moïse. »
S’il nous faut mettre des mots sur cette expérience de foi en un « Dieu Trinité », nous pouvons puiser dans ce qu’il dit de lui-même à Moïse ou dans ce que Jésus nous révèle de lui: « Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » Les termes employés ont quasi une tonalité féminine. Ils présentent Dieu comme sensible, attentif à chacun-e, bienveillant et compatissant. Il paraît si accessible que Moïse lui propose de marcher au milieu de son peuple et ne craint pas de solliciter son pardon. Rien d’étonnant pour les proches de Jésus, car lui, le Fils, ils l’ont vu à l’œuvre: approcher les petits, guérir les malades, réconforter les éprouvés, pardonner, relever… Tout l’agir du maître de Galilée réalise le projet de salut du Père qui n’a d’autre fondement que l’amour: « Dieu a tellement aimé le monde… ». Et Jésus en est l’expression suprême.
Alors que nous le voudrions ‘juge implacable’ pour condamner le méchant, Dieu nous étonne en refusant d’agir sans l’adhésion de notre liberté. Ce n’est pas d’autorité qu’il nous sauve mais au cœur d’une relation dans laquelle nous entrons librement. Il n’agit pas sans nous, il nous respecte trop pour cela. Mais si nous lui ouvrons la porte, il nous offrira la vie en plénitude.
Bref, il nous donne accès à son intimité, celle qui l’unit à son Fils dans l’Esprit. Vraiment l’agir de ce Dieu nous déroute tellement qu’il ne peut être créé par nous. Par contre, il nous offre d’être pleinement à son image en ce monde, nous qui avons accès, en Jésus, à son intimité.
Abbé Pascal ROGER