Un documentaire va à la rencontre des ouvriers qui ont quitté leur pays et cédé leur liberté pour travailler sur les chantiers de la Coupe du monde.
Le 20 novembre prochain, le coup d’envoi de la Coupe du monde de football 2022 sera lancé depuis le Qatar. Cette édition aura fait couler beaucoup d’encre avant même son commencement. Soupçons de fraude, de corruption, ouvriers soumis à des conditions de travail déplorables, esclavagisme moderne, stades climatisés et autres scandales écologiques, il ne se passe pas un jour sans qu’on ne pointe du doigt les problèmes liés à l’organisation de l’événement le plus important du monde du football professionnel.
Les plus hauts responsables avaient fanfaronné au moment de l’annonce de la victoire du Qatar. Cette Coupe du monde allait permettre de faire rayonner le pays. C’était une opportunité économique en or, pour tous. La réalité s’est malheureusement avérée bien plus sombre. Loin du faste des immenses stades climatisés, cette compétition s’est construite sur le dos des travailleurs émigrés. Ils sont 1,6 million à avoir fait le déplacement pensant pouvoir ramener de l’argent dans leur famille restée au pays. Ils venaient du Bangladesh, de l’Inde, du Népal, des Philippines et d’Afrique et avaient en commun leur pauvreté. On ne leur avait pas promis la richesse mais un travail décent, plus enviable que ce qu’ils pouvaient trouver chez eux. Hélas, les ouvriers ont vite déchanté.
Cachés et prisonniers
Logés dans des baraquements, éloignés des zones résidentielles dont ils pourraient gâcher la vue, on les a fait travailler souvent douze heures par jour, sept jours sur sept, même s’ils avaient légalement droit à un jour de congé. On leur a confisqué leur permis de séjour. Ils ne pouvaient pas changer d’emploi, ni démissionner ni même quitter le pays sans l’accord de leur entreprise. On leur a interdit, aussi, de se rendre au centre commercial parce qu’ils auraient pu dénoter, avec leurs vêtements couverts de poussière.
Le documentaire La coupe des ouvriers d’Adam Sobel (disponible sur Auvio) donne la parole à ces ouvriers qui ont trimé pour construire les stades. Le réalisateur s’est rendu à l’intérieur d’un camp de travail coincé entre une autoroute et une étendue désertique, hors de vue. Dans ce camp aux allures de prison, 4.000 hommes sont logés. Parmi eux, une poignée de fans de football. Umesh, Padam, Samuel, Paul et Kenneth ont été attirés par un tournoi organisé pour les ouvriers, la coupe des travailleurs. Une compétition parrainée par le comité qui organise la Coupe du monde 2022 dans le but très clair de redorer son blason.
Ces hommes au salaire de misère racontent leur quotidien, leurs espoirs. Ils parlent de leur famille qui leur manque et de leur passion. Les matchs de football organisés le soir sont en effet ce qui les fait tenir dans cet enfer. Cruel paradoxe…
👉 suivre ce même débat dans l'émission Décryptages du 28 octobre 2022
Certains ont décidé de boycotter cette Coupe du monde. A voir ce documentaire, on peut légitimement se poser la question. Il nous rend quelque part honteux de cette suprématie des pays riches sur les nations les plus pauvres. Et nous fait réfléchir à nos comportements de nantis centrés sur leur propre plaisir, au détriment de la vie et de la liberté de ceux qui sont nés de l’autre côté de la barrière.
Elise LENAERTS