Une commission mandatée par la CLAR, Confédération des religieux et religieuses d’Amérique latine, publie les résultats d'une enquête à laquelle plus de 1400 religieuses ont participé en Amérique latine et dans les Caraïbes. Une sur deux dit être victime d'abus de pouvoir dans le cadre de sa vie religieuse, et 20% d’abus sexuel.
L’enquête de la CLAR n’a pu être réalisée que sous forme de témoignages anonymes, affirme le 19 octobre 2022 le média italien Il Messagero. 1.417 religieuses de 23 pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont répondu au questionnaire. Les résultats ont été publiés dans un livre intitulé Vulnérabilité, abus et soins dans la vie religieuse des femmes. Si 10% des femmes interrogées ont déclaré avoir déjà été abusées sexuellement par un ou plusieurs prêtres, 19,8% d’entre elles ont affirmé avoir, de manière générale, subi des agressions sexuelles.
Des modalités relationnelles «éloignées de la volonté de Dieu»
55,2% des religieuses d'Amérique latine et des Caraïbes auraient en outre subi un abus de pouvoir au sein de leur congrégation, de leur communauté ou de leur environnement ecclésial. L'abus de pouvoir est exercé dans 51,9% des cas par les supérieurs, en deuxième position par les prêtres avec 34,2%, suivis par les formateurs avec 23,1% et enfin les évêques (10%).
14,3% des sœurs ont dénoncé du harcèlement sexuel par un prêtre, 9,7% par des laïcs et 8% par d'autres religieux. Seulement 9 religieuses ont affirmé avoir reçu un soutien thérapeutique au sein de leur communauté pour y faire face.
Sœur Liliana Franco, présidente de la CLAR, a déclaré que la diffusion du livre était la dernière étape d'un long processus. Celui-ci a impliqué, selon la religieuse, "d'accepter qu'il existe des modalités relationnelles éloignées de la volonté de Dieu qui génèrent des abus de pouvoir, des abus de conscience et des abus sexuels". Pour Sœur Liliana, il appartient aux religieuses et aux religieux eux-mêmes de faire émerger cette réalité, "de lui donner un nom, de tracer des chemins de justice, de réparation".
Apprendre aux religieuses à dire 'non’
De tels cas d’abus sur des religieuses ont été documentés dans d’autres parties du monde, notamment en Afrique. La religieuse togolaise Mary Lembo, psychothérapeute et formatrice pour les séminaires et maisons religieuses, vient de publier sa thèse défendue en 2019 intitulée Religieuses abusées en Afrique, faire la vérité. Une étude inédite. L’enquête de Sœur Mary Lembo étant qualitative et non quantitative, elle ne dévoile pas l’ampleur du phénomène sur ce continent, mais en décrypte les mécanismes.
Dans une interview au journal français La Vie du 18 octobre 2022, elle relève notamment que «les abus sont en partie rendus possibles par l’ignorance, la naïveté des religieuses qui ne se doutent jamais qu’elles peuvent être sollicitées par un prêtre avec qui elles travaillent… et ne parviennent pas à dire 'non’».
Sœur Mary Lembo note également qu’en Afrique, «le prêtre a une position sociale puissante. Il est apprécié, admiré, considéré comme infaillible, saint. Sa parole est la parole de Dieu, il ne se trompe jamais, il est le Christ sur Terre. Pour les fidèles, c’est difficile de voir la face sombre du prêtre». Pour la psychothérapeute, il est ainsi nécessaire d’améliorer la formation sur place, autant des prêtres que des religieuses, d’apprendre à ces dernières «à donner un 'non’ ferme, leur donner les armes pour se défendre.»
(cath.ch/ilmessagero/lavie/rz)