En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre... Ainsi commence l'évangile de Luc de ce dimanche. Evidemment, aujourd'hui, la manière d'annoncer n'est plus la même... et le père Eric Vollen nous fait part de son commentaire à ce sujet:
L’Evangile n’est pas une Bonne Nouvelle pour le passé. Elle l’est pour l’aujourd’hui des hommes et des femmes. Je me demande souvent: "Que ferait Jésus s’il vivait en 2022?" Ce serait quoi l’évangélisation 2.0? Si nous nous replaçons 2000 ans en arrière, elle ne consistait sûrement pas à s’enorgueillir d’avoir trouvé un nouveau paroissien, mais à dire, simplement: "Le Royaume de Dieu est proche." Elle ne consistait pas non plus à faire du porte-à-porte, mais simplement à s’installer à la table de ceux qui nous laissaient entrer. Pas plus non plus qu’à convertir les gens à tout prix à nos idées, à nos croyances.
Si Jésus devait pratiquer un travail de GRH à la recherche de collaborateurs, quelles seraient ses conditions à l’embauche? J’en verrais volontiers deux. La première, essentielle pour annoncer la Bonne Nouvelle, est de ressembler à celui qu’on annonce et qui est lui-même pauvre, humble, sans moyens humains. Utiliser les "moyens pauvres", c’est renoncer à une certaine volonté d’efficience. La seconde, s’en aller "deux par deux". Parce qu’il faut vivre d’abord soi-même le message d’amour qu’on annonce, parce qu’on n’est pas chrétien tout seul, parce que la foi est une reconnaissance mutuelle en Jésus-Christ. L’Evangile, c’est comme certains menus au restaurant: il faut être au moins deux pour les commander!
Qu’est-ce qu’on annonce? Le Royaume? Mais encore… Un chauffeur de bus et un chauffeur de taxi avec lesquels je conversais m’ont dit que dans leur métier ils vivaient intensément, simplement le Royaume de Dieu, en accueillant et en écoutant les personnes servies. Le mois dernier, c’était un serveur dans un restaurant qui me confiait qu’il vivait sa foi en aimant et en servant ses clients. Cela lui procurait une grande joie intérieure. Tous les trois avaient une manière particulière de vivre ainsi le Royaume, et c’était perceptible.
Chaque fois que nous accueillons et que nous sommes accueillis, ne disons-nous pas que le Royaume est proche? A portée de main, de parole, de silence. Avec ces vrais sourires qui laissent passer la lumière d’une âme à l’autre. Ainsi, dire quelque chose de l’Evangile, ce n’est pas faire de la "communication". Il n’y a pas de mécanique de l’annonce de l’Evangile. Avec lui, tout est relation. "Ne passez pas de maison en maison", mais entrez, mangez, parlez… Cuisinez, jardinez, rendez service, faites la vaisselle, écoutez… vivre ces moments simples de complicité, de proximité. Pour cela, il ne faut rien d’autre qu’un peu de temps et de gratuité.
C’est sûrement ainsi que ferait Jésus avec ses collaborateurs. "La paix soit avec vous." C’est concret, c’est vécu. Paix qui suppose chez celui qui l’annonce un infini respect de ceux qui l’accueillent. Car Dieu a des enfants de paix partout. Leur dire: "paix de la part de Dieu" signifie les révéler à eux-mêmes. C’est tout le contraire d’aller vers eux dans un esprit de croisade et d’intolérance, et même tout simplement, la volonté de les convertir. "Paix à cette maison" signifie paix à son langage, à ses coutumes, ses valeurs, ses rites, et même sa religion. Avec Jésus, nous ne sommes pas des démarcheurs de l’Evangile…
Père Eric Vollen, s.j.
