TV-Il était une foi… Georges-Louis Bouchez (31/05/2022)


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TV-Il était une foi… Georges-Louis Bouchez (31/05/2022)
Par Jean-Louis Gios
Publié le - Modifié le
5 min

Dans une interview, le président du MR déclarait : « Je crois en moi. Et je crois en Dieu ». Qui est Dieu pour Georges-Louis Bouchez ? La quête de sens peut-elle inspirer la politique ? Les religions peuvent-elles contribuer aux débats de société ? Découvrez les réponses de l’homme politique.

Le 31 mai 2022 - Production RTBF

Georges-Louis Bouchez : "En politique, on a perdu la question du sens"

Georges-Louis Bouchez, ça veut dire quoi, pour vous, croire en Dieu?

Beaucoup de choses ! Tout d’abord, c’est croire en des valeurs, croire en la mise en récit de ces valeurs, et s’interroger sur la question du sens. Je suis quelqu’un de très cartésien, de très rationnel. Par exemple, sur la question de la Création, ou de l’évolution de la société, on peut toujours trouver une explication rationnelle, cartésienne de la façon dont les choses se sont passées. Vous pouvez repousser au plus loin les limites de la connaissance et du savoir. Mais la question du sens et du pourquoi sera toujours présente.

La conviction religieuse, c’est la recherche du sens. C’est se dire qu’on ne vient pas uniquement pour soi-même, mais qu’il y a un dessein plus grand, plus important, qui est l’objet d’une recherche tout au long de l’existence. On peut tous avoir des conceptions différentes, de Dieu, de ce qui est supérieur, ce qui est sacré. Mais néanmoins le point commun, c’est systématiquement la recherche de sens.

"Dieu" peut dire beaucoup de choses... Mais qu’est-ce que Dieu pour vous?

C’est très personnel et délicat à exprimer en politique, surtout que je fais une grande distinction entre la question religieuse, qui doit être personnelle, et la neutralité qu’il doit y avoir au niveau de l’Etat. Mais à titre personnel, il y a une recherche de sens, d’une certaine justice, d’une utilité à avoir dans la société. Il est très important de se réaliser dans sa relation à l’autre et à travers son rôle au sein de la société. Sans rentrer dans des détails plus personnels, plus familiaux, je dirais qu’il s’agit surtout de trouver sa place dans l’œuvre qu’on accomplit pour les autres, dans le travail pour la communauté, pour la société dans laquelle on évolue.

La question du sens transcende le rationnel, donc aussi le politique. A-t-elle néanmoins… du sens par rapport à l’engagement politique?

Mon engagement est dû à ma conviction d’être indispensable, d’être utile à la société. C’est ma manière d’être utile mais nous ne sommes pas obligés d’être tous en politique. Il y a d’autres engagements possibles.

L’idée est de se dire qu’on doit pouvoir jouer un rôle et en tant que politique, je pense que c’est également utile de savoir pourquoi on le fait. Mais aussi de pouvoir, de façon totalement neutre, en dehors de la religion, donner du sens au projet de société. Dans un parti libéral comme le mien, le sens, c’est la recherche de la liberté, de l’émancipation de l’individu, de l’égalité des chances. On ne peut pas faire de la politique uniquement en défendant son texte de loi. Le concitoyen doit voir le sens de ce que l’on fait, la direction et les valeurs que l’on porte. Les valeurs religieuses relèvent de la sphère privée, mais il y a des valeurs qui sont défendues sur le plan politique et cela, c’est la philosophie politique de notre formation. A mes yeux, il est important d’affirmer avec force la philosophie sur laquelle on s’appuie. Parce que, selon le sens qu’on lui donne, une mesure peut avoir des impacts différents. Si les gens comprennent et adhérent aux valeurs que vous défendez, alors il y aura un effet bien plus positif que si vous imposez une mesure extraite de nulle part.

Je pense d’ailleurs que c’est un des grands problèmes de notre société aujourd’hui et de notre monde politique. On est devenu trop concrets. On est tellement technocratiques qu’on a perdu la question du sens. C’est un manque important. C’est aussi le terreau de certains extrémismes ou radicalismes. Des personnes en quête de sens tombent dans le giron de ceux qui manipulent cette recherche de sens ou de rationalité.

Vous estimez que la conviction religieuse relève de la sphère privée. Mais pensez-vous que les religions puissent tout de même apporter une contribution aux débats de société?

En tant que libéral, je suis extrêmement attaché à la liberté d’expression de chacun. Y compris des personnes ou des organisations qui s’expriment sur la base de convictions philosophiques ou religieuses. Oui, tout le monde a le droit de s’exprimer. La religion fait partie de l’identité personnelle. Mais au final, ce n’est pas le clergé ou les religions qui peuvent déterminer les choix. C’est le politique qui doit le faire, dans le sens de l’intérêt général.

La neutralité de l’Etat implique que lorsque celui-ci prend une décision, il ne doit pas être influencé par la religion. Il doit se baser sur un consensus social, sur la rationalité, le débat et l’échange d’arguments. Par exemple, le débat récent sur l’autorisation de signes religieux dans l’administration n’est pas toujours rationnel. Le but est de permettre à toutes les religions de coexister, de continuer de s’exprimer librement, et d’être traitées sur un pied d’égalité et de façon respectueuse. Nous voulons donc que l’Etat, lui, reste neutre, sinon on ne peut plus garantir l’égalité de traitement pour chacun. Si on va dans une administration et qu’une personne porte un signe convictionnel différent de notre propre conviction, il peut y avoir une rupture de confiance.

Vous êtes libéral, mais vous vous dites aussi sensible au personnalisme chrétien. Le libéralisme aurait-il besoin d’être tempéré?

Le personnalisme est né de la recherche d’une voie médiane entre le libéralisme et les totalitarismes avant la Seconde Guerre mondiale. Le libéralisme ne doit pas nécessairement être tempéré. Dans la tradition belge, la conception des libéraux est celle d’une tendance régulatrice. Contrairement au libéralisme anglo-saxon qui a plutôt une tendance à la dé-régulation. Mais il est vrai que le personnalisme peut amener la dimension complémentaire que sont l’œuvre collective, le travail dans la société. Pour moi, le fondement de la société doit toutefois rester libéral. A titre personnel, j’ai beaucoup d’intérêt pour le personnalisme, mais je suis un libéral convaincu et affirmé.

Propos recueillis par Christophe HERINCKX

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