"Se souvenir..." est le thème de l'évangile de ce 6e dimanche de Pâques et c'est le père Philippe Robert qui nous partage son commentaire.
Cette page d’Evangile, où Jésus promet l’Esprit Saint comme enseignant et comme source de mémoire, ne nous fait-elle pas penser… aux Evangiles eux-mêmes? Car les considérer comme des livres inspirés, c’est bel et bien affirmer que Jésus a tenu parole: nous y reconnaissons l’ouvrage de l’Esprit, guidant les rédacteurs dans leur travail mémoriel – patiente synthèse des témoignages oraux ou écrits recueillis sur la vie de Jésus de Nazareth! - et dans leur souci d’éclairer le mystère de celui qu’ils annoncent comme Christ ressuscité. En vivifiant leur mémoire du Seigneur, de sa vie, de son enseignement, l’Esprit fonde leur mission d’enseigner à leur tour. Mais cette double grâce de la mémoire et de l’enseignement n’est pas réservée au seul quatuor des évangélistes, elle est accordée à chacun de nous. Car, de transmission en transmission, lorsque j’ouvre les Ecritures rédigées sous l’inspiration de l’Esprit, je puise de quoi pouvoir enseigner à mon tour. Et, pour ce qui est de la mémoire, quel lecteur de la Bible n’a pas constaté, parfois avec étonnement, voire amusement, qu’il a spontanément mémorisé tel ou tel verset de ce qu’il a lu?
Poursuivons notre lecture. Ce que dit ensuite le Christ de la paix qu’il donne - "pas à la manière du monde" - éclaire sur la nature profonde de la mémoire accordée par l’Esprit à ceux qui lisent les Ecritures. De même que la paix offerte par le Seigneur n’est pas de l’ordre de l’immobilisme naïf, de la passivité béate, mais bien une expérience de bien-être intérieur qui va devenir, si nous y consentons, source d’audace et d’inventivité, de même la mémoire accordée par le Défenseur sera une mémoire vivante et féconde. Avec le soutien de l’Esprit, avoir bonne mémoire pour enseigner l’Evangile invite moins à répéter à la manière d’un disque qu’à allier fidélité et pédagogie pour transmettre le Message avec des mots, des images capables, d’atteindre l’intelligence et le cœur de ceux à qui l’on s’adresse. C’est la rude et belle tâche de l’Eglise, pour chaque époque, chaque culture, chaque langue. Et je repense avec tendresse - souvenir d’enfance! - à un vieux missionnaire tout hirsute et tout courbé qui avait vécu 45 ans parmi les populations du Grand Nord. "Comment voulez-vous, disait-il, annoncer l’Agneau pascal à des gens qui n’ont jamais vu le moindre mouton?" Il a fini par évoquer dans ses homélies "le bébé phoque de Dieu" pour suggérer l’innocence et la fragilité du Sauveur…
Nous avons mémorisé bien des passages d’Evangile. Oui, nous en connaissons sûrement "par cœur". Mais, parmi eux, lesquels ont laissé notre cœur tout brûlant? Quels passages d’Ecriture ont renforcé non seulement notre savoir, mais aussi notre capacité à juger, notre désir d’entreprendre? Lesquels nous ont conduits à la paix profonde et active promise par Jésus? Esprit Saint, viens nous rafraîchir la mémoire!
Père Philippe Robert, sj