Le Sénat a accueilli un colloque portant sur les liens entre confinement et spiritualité. A partir de la double question : "Comment la jeunesse et les seniors de notre pays ont-ils vécu le confinement et dans quelle mesure leurs convictions spirituelles et/ou philosophiques furent-elles une source d’inspiration?", une série de témoins de la société civile et religieuse ont apporté leur témoignage.
Intitulé #NeverAlone, ce colloque du 15 mars est le premier en présentiel au Sénat depuis deux ans, comme le souligne sa présidente, Stephanie D'Hose (Open Vld). En présence du prince Laurent et de la princesse Claire, celui-ci s'est déroulé dans la grande salle d'apparat aux couleurs rouges du Sénat. Un lieu symbolique pour mener une réflexion sur les enjeux de la pandémie en matière de conviction philosophique et religieuse. Parmi les intervenants, des citoyens d'âge et d'obédience variés. Hommes, femmes, jeunes, plus âgés, tous viennent raconter comment ils ont vécu cette période particulière.
Le soutien inébranlable de la foi
"La foi peut s'entretenir dans l'intimité, mais cela demande davantage d'efforts", observe Josette Malghem, une convertie à l'islam, habituée aux activités menées en groupe avec ses sœurs de religion. "Ma foi m'aide à affronter les difficultés de la vie, m'empêchant d'être figée", souligne, dans un témoignage écrit, Hélène Stoka, une pratiquante orthodoxe. Le fait de s'en remettre à Dieu – "Que Ta volonté soit faite" – lui a permis d'appréhender la réalité de manière plus sereine. Pour le père Salas, "croire en Dieu me donne de la confiance pour me tenir debout". Témoin de l'Eglise anglicane, Patrick Buerms souligne combien il ne s'est jamais senti seul, mais entouré d'une présence. "Nous avons fait l'expérience de l'Eglise dans notre maison." Et Philippe Reynaerts, témoin de l'Eglise évangélique, de souligner que c'est dans la Bible qu'il a trouvé la force d'avancer. Quant au professeur de linguistique Thomas Gergely, il se dit avoir été soutenu par sa "mémoire qui fonde la judéité. Elle enseigne autant de grandeur dans les petites actions que dans les actes héroïques". Le prince Laurent a surpris l'assemblée en partageant une expérience personnelle. "Pendant cette période, j'ai lu sur les mystiques, qui ont dû surmonter des chocs pires que cette pandémie, parce qu'ils étaient seuls. Ces mystiques sont des gens magnifiques et d'une grande simplicité. Ils s'inspiraient d'une conscience qu'ils avaient en eux-mêmes." Et d'inviter l'assemblée à lire leurs textes.
Du côté des jeunes
Une certaine fierté prévaut parmi les représentants de la jeune génération, heureux de participer et de parler avec d'autres témoins, comme le souligne Erin Huysmans, représentante de l'Eglise évangélique. Malgré le manque de contacts sociaux, la jeune femme de 25 ans a vécu, durant le confinement, une expérience fondamentale dans sa construction personnelle, en lisant la Bible, en se lançant à la rencontre du Christ et en poursuivant une activité de composition musicale dédiée à la louange. Même enthousiasme du côté de Terence Mauchard Dumont, membre de l'Union des Etudiants Juifs de Belgique. Le jeune homme de 22 ans estime que "la jeunesse juive a fait preuve d'une grande capacité de résilience", malgré les incidences directes sur la communauté et ses différentes célébrations. Il n'en déplore pas moins une réapparition de l'antisémitisme, notamment dans la comparaison entre le masque et l'étoile jaune. Pour présenter les propos des huit jeunes choisis comme témoins de leur communauté, un montage de leurs prises de parole a été projeté dans la salle. "L'orthodoxie est ce qui m'a tenu en vie", y reconnaît Stefan Gustin, tandis qu'Anaïs Guérin de Church4You insiste sur la différence entre solitude et isolement, invitant ensuite à "offrir de l'écoute" aux plus âgés malmenés pendant cette période d'isolement forcé.
Une solidarité intergénérationnelle
Certains n'ont pas manqué de souligner la solidarité sociale qui a prévalu entre tous les citoyens, au-delà de l'appartenance religieuse. "La pandémie nous a offert l'occasion de nous réjouir de l'altruisme dont ont fait preuve de très nombreuses personnes", remarque Carlo Luyckx. Pour Vincent Van Quickenborne, ministre de la Justice, la guerre en Ukraine montre d'ailleurs, une fois encore, la coopération qui prévaut entre les convictions, puisqu'elles ont dénoncé de manière commune l'invasion et se mobilisent à présent pour accueillir les réfugiés. "Nous vivons des événements que nous n'aurions pu penser : la pandémie et la guerre en Europe. L'absurdité et l'horreur de celle-ci ont mis la pandémie au second plan", ajoute le ministre d'Etat Philippe Busquin (PS). Avant de souligner la réponse apportée par l'Europe à la pandémie, avec l'achat groupé de vaccins pour éviter les surenchères d'achats nationaux.
La mort évoquée aussi
"Tout ce qui est né est condamné à mourir un jour", rappelle Carlo Luyckx, représentant des bouddhistes, qui a connu de nombreux moments de méditation, inspirés par le silence nourri du chant des oiseaux. Un constat également relevé par Véronique De Keyser, la présidente du Centre d'Action Laïque, dont la génération "n'avait jamais vu mourir autant". Pour elle, "cette construction de la mort, c'est l'apport essentiel de cette pandémie. Peu importe la façon dont on va vivre sa mort, il y a moyen d'en faire une étape." Et de souligner combien des gens se sont laissé glisser vers la mort : "une injustice bouleversante, que nous ne pouvons pas nous permettre si la pandémie revient".
Angélique TASIAUX
FIDIF (Federale Interconvictionele Dialoog/Dialogue Interconvictionnel Fédéral) est une plateforme, constituée de tous les cultes et autres convictions philosophiques, reconnus en Belgique. La plateforme se penche régulièrement sur des thèmes sociétaux. Les années précédentes, FIDIF a étudié le rôle social des religions (#Religioptimist), le statut des prisonniers (#Jail&Justice) et celui de la jeunesse délinquante (#Youth&Justice).