La pièce "Comme une lance" évoque le deuil d'une mère, depuis le point de vue d'un de ses enfants. Il a beau être quinquagénaire, le fils n'en est pas moins orphelin.
René est taraudé par le départ de sa maman. Il a encore mille et une questions à lui poser. Au fond, l'a-t-elle aimé, lui au milieu de sa fratrie ? Et que contient l'enveloppe jamais ouverte ? René est le fils; l'auteur et comédien joue en quelque sorte son propre rôle, lui qui a perdu sa maman. Pourtant, le récit n'est pas autobiographique, sa vie lui a seulement donné "les épices" comme il dit. Une forme de pudeur prévaut dans les incursions sur la vie de la mère. Pour donner la réplique à cet adulte bercé par un songe d'enfance, place à la comédienne Maïa Aboueleze, le visage expressif et le geste vif. Car du rythme, il y en a pour étourdir les esprits et captiver l'attention.
Deux acteurs en miroir
Sur scène, le duo en symbiose raconte la maman de René, sa vie, ses déceptions, ses mystères aussi. Dans de grands éclats de rire, rythmés par un étrange instrument à percussion japonais. Le contraste est grand entre cette femme fantasque, au caractère bien trempé, et ce fils inquiet, à la mine éplorée.
Pourtant, loin de s'appesantir sur les activités administratives qui succèdent à un décès, René plonge et se sauve dans ses souvenirs, goûte à l'enfance retrouvée. Un poème de Peter Handke est une incise dans l'imaginaire de l'adulte:
"Lorsque l’enfant était enfant,
Il marchait les bras ballants, Il voulait que le ruisseau soit une rivière
Et la rivière un fleuve, Et que cette flaque d’eau soit la mer."
Les dialogues s'enchaînent joyeusement, sans perte de temps. Les deux comédiens maintiennent ainsi l'attention du spectateur, grâce à la mise en scène cadencée d'Emmanuelle Mathieu dans un décor épuré. Et le titre, vous demandez-vous ? "Comme une lance" fait référence à la mort qui percute et tranche tel un scalpel le fil de la vie, mais aussi aux jeux d'enfance lancés dans les airs. Voilà un tourbillon de vie qui emporte au loin.
Evoquer les morts les rend proches, nous assure René Bizac. Loin d'être triste, sa pièce inclut une forme d'espérance, celle de la survivance dans le cœur du fils.
Angélique TASIAUX
"Comme une lance" sera joué à Gembloux (Atrium 57) le 16.12, à Lessines (CC René Magritte) le 25.03.22, à Waterloo (Espace Bernier) le 30.04.22, et dans d'autres endroits assurément ! Infos
Illustration (c) Isabelle de Bier