Livre : l’art de l’éloquence contemporaine


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Livre : l’art de l’éloquence contemporaine
Par Angélique Tasiaux
Journaliste de CathoBel
Publié le
3 min

Brillant opuscule, "De la gentillesse et du courage" s'attache à analyser les fondements du discours public. En filigrane, son auteur pose la gentillesse et le courage en fondements humains inhérents à la démocratie.

Ancien magistrat, Gianrico Carofiglio est manifestement rompu à l'art de la plaidoirie. Pourtant, les techniques qui font des discours de remarquables armes de guerre ne garantissent pas la justesse ou la valeur du propos. L'écrivain italien se plaît à le démontrer en analysant les assertions approximatives de Donald Trump, largement relayées par la nébuleuse du Net.

Un manifeste

Contrairement à ce que son titre laisse penser, cet ouvrage ne développe pas en continu un éloge de la gentillesse et du courage. Le sous-titre italien aurait d'ailleurs gagné à être traduit : "Bréviaire de la politique et d'autres choses". Il s'agit, en effet, d'une brillante démonstration autour de l'art oratoire dans l'espace public, portant sur la "confrontation dialectique".
Aux yeux du magistrat, également sénateur, la gentillesse a pour sens profond l'éthique et la politique; "elle désamorce les simplifications qui conduisent à l'autoritarisme et à la violence". Il va même jusqu'à voir dans la gentillesse "une vertu martiale". Pourquoi donc requerrait-elle du courage ? Parce qu'elle implique d'être en mesure de "surmonter la peur, la colère, parfois le désespoir. Donner du sens. Etre humain." Il ne s'agit donc pas d'une posture de couard ni d'une faiblesse déguisée. Face aux extrémismes en tous genres qui guettent la démocratie, Gianrico Carofiglio pose la nécessité du respect des interlocuteurs et des vis-à-vis en lice lors d'un débat. Il n'est pas besoin de ridiculiser son adversaire pour asseoir son autorité, constate-t-il.

Encourager les esprits curieux

La mise en doute des décisions ou des affirmations en jeu évite l'enlisement dans les idées prêtes à penser ou les simplifications excessives. Cela relève d'une forme de vitalité des Etats et de leur survie face aux fantoches montés par les pouvoirs totalitaires. Mais quelles pourraient être les clefs d'un dialogue réussi? Parmi celles-ci, le juriste épingle la capacité de (re)mettre le pouvoir en question, afin de démasquer les comportements autoritaires. La question utile permet de faire progresser le débat. Honnissant les vérités absolues, Carofiglio estime "nécessaire de porter un regard nuancé sur le réel, dépourvu de jugement a priori, pour éviter de sélectionner les seuls éléments qui nous arrangent ou de les faire entrer dans des schémas préétablis". L'incertitude et la complexité sont inhérentes à l'avancement du monde, rappelle-t-il. Vouloir figer la société dans une seule marche à suivre équivaudrait à son enlisement. Et, souligne-t-il, "l'impossibilité de réfuter un argument ne rend pas ce dernier vrai". A tous les niveaux de pouvoir, il y va d'un "engagement" individuel à l'égard de la vérité. Admettre ses erreurs et reconnaître ses limites constituent des qualités cruciales, tandis que la pratique de l'auto-dérision est garante d'humilité.
Voilà, en définitive, un titre à proposer aux élèves en fin d'humanités pour nourrir leur réflexion sur l'engagement citoyen dans un monde en nécessaire mouvement.

Angélique TASIAUX

Gianrico CAROFIGLIO, "De la gentillesse et du courage". Les Arènes, septembre 2021, 146 pages.

Illustration (c) CCO Wikimedia

Catégorie : Culture

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