Fin octobre, le comité des experts de la commission parlementaire "Congo" a rendu son rapport. Objectif: aider la Belgique à reconnaître les crimes de la colonisation, et envisager des gestes de réconciliation. A plusieurs reprises, le rôle de l'Eglise et des missionnaires est évoqué dans le document.
Nous sommes au cœur du XIXe siècle. Et c'est de Belgique qu'une extraordinaire – mais dramatique – aventure est sur le point de débuter. A la manœuvre, deux acteurs. Un roi, tout d'abord. Mégalo, Léopold II veut faire de la Belgique un plus grand pays. Des congrégations religieuses, ensuite. Désireuses de propager la foi, elles souhaitent convertir de nouvelles âmes. "Au moment de la fondation de l’Etat indépendant du Congo en 1885, les deux logiques trouvent des points de convergence", écrira l'historienne Anne-Sophie Gijs, professeure à l'UCLouvain. Un troisième acteur s'associera bientôt: à l'Etat et l'Eglise s'ajouteront les entreprises. "Les trois E", comme disent les initiés.
689 pages
Retour vers le futur. Nous sommes au printemps 2020 et c'est la tempête. Alors que le mouvement "Black Lives matter" met sur la scène publique la question du racisme, la Belgique s'apprête à commémorer le 60e anniversaire de l'indépendance du Congo. En divers endroits, des statues de Léopold II sont salies, voire déboulonnées. Le politique s'empare de la question et crée une "Commission Congo-passé colonial". Qui s'empresse aussitôt de mettre sur pied un groupe d'experts. Leur tâche est lourde: elle ne consiste pas seulement à faire la lumière sur l'Etat indépendant du Congo (1885-1908) et le passé colonial de la Belgique (1908-1962). Dans une perspective de "justice transitionnelle", le groupe se voit aussi invité à dessiner les contours d'un travail de mémoire et de réparation, et à proposer des pistes pour lutter contre le racisme.
Les experts viennent de terminer leur travail. Fin octobre, un rapport de 689 pages a ainsi atterri sur le bureau des membres de la Commission spéciale – et sur le site web de La Chambre. Il aborde des questions aussi sensibles et différentes que le rôle des soldats congolais durant la Grande Guerre, la place de la femme dans la société coloniale, ou la dette coloniale. Si aucune partie n'est spécifiquement consacrée à l'œuvre des missionnaires, l'Eglise est bien présente. Le terme "Eglise" apparaît d'ailleurs à 101 reprises. Précision de taille: la plupart du temps, ce n'est pas l'Eglise catholique qui est visée, mais l'Eglise Kimbanguiste. Tirant son nom du prophète Simon Kimbangu, ce mouvement religieux, né en 1921, entendait précisément se libérer de l'influence des missions chrétiennes. La puissance coloniale, qui le considérait comme un mouvement politique, le combattit largement – Kimbangu passera d'ailleurs une trentaine d'années en prison. Malgré la répression, le kimbanguisme survécut à l'ère coloniale, et existe d'ailleurs encore aujourd'hui.
Vincent Delcorps
Photos: (c) Photo Service Vivant Univers
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