Que va devenir le patrimoine religieux dans les églises touchées par les inondations du mois de juillet? Pour le savoir, nous avons suivi le Centre Interdiocésain du Patrimoine et des Arts religieux (CIPAR), chargé du sauvetage des biens culturels sur les sites impactés.
Parmi la trentaine d’églises sinistrées, celle de Saint-Léger à Tilff n’a pas été épargnée par les intempéries du 15 juillet. Située à proximité de l’Ourthe, l’eau est d’abord passée par la sacristie, puis s’est répandue dans l’ensemble de l’église, grimpant jusqu’à 90 cm. Nous accompagnons sur place l’équipe du CIPAR. Elle est chargée de dresser l’inventaire avec le sacristain de l’église, de vérifier quelles pièces ont été touchées, d’établir une liste d’objets éventuellement volés et de le conseiller au mieux dans les démarches à suivre mais également dans les produits à utiliser pour le traitement du patrimoine religieux. Albert Voorn, le sacristain de l’église Saint-Léger, nous explique l’ampleur des dégâts: « Ça fait plus de trois semaines que l’église est en train de sécher. Le problème actuel ce sont ces bancs remplis d’humidité qu’on ne parvient pas à démonter ». La fabrique d’église a rencontré un menuisier qui ne pourra travailler que lorsque tout sera sec. En attendant, les bancs ont été surélevés pour que l’air puisse circuler en dessous. Quant aux chaises, elles ont toutes dû être jetées.
Le rôle du CIPAR
Par patrimoine religieux, on entend l’ensemble des édifices, des objets et des pratiques reliés au culte et à la célébration des rituels propres à chaque tradition religieuse. Pour Vinciane Groessens, responsable communication, le CIPAR a pour objectif premier de développer une ligne conductrice commune à tous les diocèses concernant le patrimoine immobilier. Il vise ensuite à fournir aux responsables paroissiaux des conseils touchant principalement à la conservation des objets, via des brochures ou des expositions itinérantes. Il encourage ensuite à la constitution de dépôts diocésains pour la conservation des objets qui ne peuvent être gardés. Enfin, le CIPAR vise à donner du sens au patrimoine. Toujours selon Vinciane Groessens, « le patrimoine ne se conserve pas de la même manière que chez un antiquaire. Pour nous, c’est important que n’importe quel objet du patrimoine serve toujours et puisse être introduit dans une réflexion plus globale. »
Une grande première
Créé en 2017, le CIPAR n’avait encore jamais rencontré un tel événement. « Toute l’équipe a été sous le choc avec ces inondations et il a fallu s’organiser », témoigne la responsable communication du CIPAR. Tout d’abord, c’est par le réseau social Facebook que l’équipe a pu voir les dégâts que présentaient plusieurs églises en région liégeoise. Aussitôt, une première liste d’églises sinistrées a été dressée. Pour rappel, une église sinistrée est une église remplie d’eau et de boue détruisant sur son passage une partie du patrimoine. « Bancs, confessionnaux en bois, meubles avec tiroirs, ou encore vêtements liturgiques et archives, tout peut être détruit », nous explique Vinciane Groessens. Et selon Christian Pacco, administrateur délégué du CIPAR, « la seule manière de pouvoir récupérer les vêtements liturgiques qui se trouvent dans des tiroirs fermés est de faire appel à des ébénistes. Chose impossible en ce moment puisqu’ils sont fort sollicités ». La priorité était donc de se rendre rapidement sur le terrain et de vérifier que tout était bien aéré.
De la difficulté d’entrer en contact
Pour Vinciane Groessens, la plus grande difficulté rencontrée par le CIPAR a été d’entrer en contact avec le fabricien de chaque église. Pas toujours évident à entreprendre puisque beaucoup d’entre eux sont assez âgés et ne peuvent pas forcément se rendre sur place pour dresser un constat général. D’autres sont touchés personnellement par ces inondations et n’ont tout simplement pas le temps de s’en occuper. Selon Pierre Hannosset, prêtre du diocèse de Liège, un habitant sur deux a subi des dégâts dans les communes sinistrées. Un chiffre qui permet de mieux comprendre l’ampleur de ces inondations. Il s’est donc agi pour le CIPAR d’avoir au moins une personne référente pour chaque site, peu importe son statut. Bénévoles, paroissiens, curés ou fabriciens, tous ont été solidaires pour rendre les choses possibles.
Le problème de la sécurité
Que ce soit au sein de l’église Saint-Léger à Tilff ou partout ailleurs, la sécurité est un volet important pour le CIPAR. « Il faut absolument organiser des maintenances la journée et bien fermer les églises la nuit », insiste Vinciane Groessens. Une décision radicale mais qui permet d’éviter d’éventuels cambriolages. « Ici, à Tilff, on a fait en sorte que tous les jours, une permanence soit organisée deux heures le matin et trois heures l’après-midi », précise le sacristain Albert Voorn. Pour assurer ces permanences, ce sont essentiellement les bénévoles du quartier qui se succèdent. En effet, Vinciane Groessens nous explique que, outre les magasins pillés, les églises ont également été touchées par ce phénomène. Des personnes mal intentionnées ont envie de prendre une statue chez elles ou d’abîmer le patrimoine religieux. La fermeture de ces églises est donc drastique mais nécessaire. Pour Christian Pacco, « l’ouverture des églises est une présence de Dieu. Une présence que l’on rend ouverte à l’ensemble de la population, il est donc important de ne pas fermer ces églises ». Selon lui, elles doivent trouver une nouvelle place, et peut-être que les événements d’aujourd’hui vont être des événements déclencheurs. « Si on souhaite restaurer ces églises, il faut leur trouver une place dans la société chrétienne qui s’ouvre vers l’extérieur ».
Une plateforme basée sur l’offre et la demande
Enfin, dans un avenir proche, le CIPAR souhaiterait créer une plateforme basée sur l’offre et la demande. Par ce biais, chaque église demandeuse pourrait bénéficier d’un objet détenu par une autre église et qui accepterait de l’échanger. Le but serait de faciliter les échanges et la communication entre les églises.
Marie STAS
© cathobel : Maura Moriaux, Responsable inventaire CIPAR, et Albert Voorn, sacristain de l’église Saint-Léger à Tilff, font l’inventaire des dégâts causés par les inondations.