Dévotion mariale : Marie, mère de Dieu et des chrétiens


Partager
Dévotion mariale : Marie, mère de Dieu et des chrétiens
Par Christophe Herinckx
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
8 min

Dans les Eglises catholique et orthodoxes, la Vierge Marie occupe une place de choix. Quelle doit être la portée de cette dévotion mariale au regard de la foi chrétienne? La réponse à cette question se trouve dans les évangiles tels qu’ils ont été lus par l’Eglise jusqu’au concile Vatican II.

Extrait du chemin de croix créé par les animateurs du groupe de jeunes et catéchistes de Saint-Jean-Baptiste à Wavre.
Extrait du chemin de croix créé par les animateurs du groupe de jeunes et catéchistes de Saint-Jean-Baptiste à Wavre.

Même s’il ne s’agit plus d’une source de conflit majeur, on peut dire que le monde chrétien est, aujourd’hui, toujours partagé au sujet de la Vierge Marie. Dans les Eglises catholique et orthodoxes, le culte à Marie tient une place importante aussi bien dans la liturgie officielle que dans la dévotion du Peuple de Dieu. Dans les Eglises protestantes, par contre, depuis la Réforme aux XVe et XVIe siècles, aucune place n’est réservée à un culte marial. Bien sûr, il convient de nuancer le propos: la Vierge Marie occupe une place prépondérante dans la vie de certains catholiques, alors que pour d’autres, elle est (quasiment) absente. La relation que l’on a, ou que l’on n’a pas, avec la mère de Jésus ne dépend donc pas uniquement de la confession chrétienne à laquelle on appartient, mais également de sa culture religieuse familiale ou régionale, et de ses propres sensibilités et orientations spirituelles.

Dans les Eglises protestantes, Marie est bien sûr considérée comme la mère de Jésus, et également comme une disciple éminente du Christ, en raison de son "oui" en réponse à l’annonce de l’Ange qu’elle donnerait naissance au Fils de Dieu (Cf. Lc 1, 26-38). Dans le monde protestant, on reconnaît parfois aussi que, à ce titre, Marie est "Mère de Dieu", sans que cela débouche sur une dévotion mariale particulière.

  • Mère de Dieu, Marie est aussi mère des Chrétiens, les frères et sœurs de Jésus
  • Pour les catholiques et les orthodoxes, ce double statut de Marie justifie qu’un culte spécial lui soit rendu.
  • Le Christ demeure néanmoins l’unique médiateur entre Dieu et les humains.

La double source de la dévotion mariale

D’où vient donc la dévotion mariale, pratiquée dans les Eglises catholique et orthodoxes? S’il est pratiquement impossible de dater l’origine de cette dévotion de manière précise, elle semble s’être développée très tôt au sein des premières communautés chrétiennes. Dès le IIIe siècle, l’on trouve des traces d’une fête liturgique en l’honneur de la Vierge Marie dans les communautés arménienne et syriaque, à Jérusalem. Lors de cette fête, on célèbre la Vierge Marie comme Mère de Dieu (Theotokos). Au VIe siècle, la fête de la Dormition, qui s’appellera Assomption dans l’Eglise latine, est célébrée en Orient, vers la mi-janvier.

Au-delà de la question des origines historiques de la piété mariale, celle-ci s’enracine dans une double source: l’Ecriture et la Tradition, dans sa forme orale. Ecriture et Tradition ont, l’une et l’autre, le même "contenu" de foi. Mais, pour les Eglises orthodoxes aussi bien que catholique, certains aspects peuvent n’avoir été transmis que dans le vécu et la pratique des chrétiens. Telle l’Assomption, dont on ne trouve aucune trace dans le Nouveau Testament. Pour la théologie catholique ou orthodoxe, cette Tradition non écrite contient cependant des éléments qui font partie de la Révélation.

Le fondement scripturaire de "Marie, Mère de l’Eglise"

Que dit l’Ecriture de la Vierge Marie? Si les textes qui lui sont consacrés sont relativement peu nombreux, Marie est cependant présente à des moments-clés des récits évangéliques, notamment en lien avec la naissance et la mort du Christ. Sans les citer exhaustivement, rappelons quelques passages essentiels: l’annonce de la naissance de Jésus à Marie (Lc 1, 26-38); l’annonce à Joseph, à qui il est révélé en songe que l’enfant qui a été engendré en sa fiancée Marie "vient de l’Esprit Saint", et qu’elle enfantera un fils auquel il donnera le nom de Jésus (Mt 1,18-25); la visite de Marie à sa cousine Elisabeth, qui va reconnaître en elle "la mère de son Seigneur", après que l’enfant ait "bondi en son sein". En réponse, Marie chantera son Magnificat: "Oui, désormais, toutes les générations me proclameront bienheureuse" (Lc 1, 39-25). Mentionnons encore trois passages: l’intervention de Marie auprès de son Fils aux noces de Cana, alors qu’il n’y a plus de vin (Jn 2, 1-12), la prière de Marie qui, avec les apôtres, attend l’Esprit Saint au Cénacle (Ac 1, 14), et surtout la présence de Marie au pied de la croix, au côté du disciple que Jésus aimait. Le Christ, peu avant de "remettre l’esprit", s’adresse à eux en ces termes: "’Femme, voici ton fils’. Il dit ensuite au disciple: ‘Voici ta mère’. Et depuis cette heure-là, ajoute l’évangéliste, le disciple la prit chez lui." (Jn 19, 26-27)

Pour l’Eglise, ces derniers versets constituent le fondement scripturaire et théologique principal de la maternité spirituelle de Marie à l’endroit des "membres du Christ" que sont les chrétiens, frères et sœurs de Jésus (cf. saint Augustin, De Sancta Virginitate, 6, PL 40, 399), et de la dévotion des chrétiens à son égard. Le "disciple que Jésus aimait", dans l’évangile de Jean, personnifie tous les disciples à venir de Jésus; il est, pour ainsi dire, le "modèle-type" du chrétien. Aussi, depuis l’Antiquité, l’Eglise a compris ce passage comme le don de Marie, par Jésus, à tous les chrétiens comme leur mère. D’où le vocable, par ailleurs assez récent, de Marie comme "Mère de l’Eglise".

Jésus dit à sa mère: ‘Voici ton fils’. Il dit ensuite au disciple : ‘Voici ta mère’

Jn 19, 26-27

La maternité spirituelle et le culte de Marie

Pour la mariologie, telle qu’elle s’est développée au cours des siècles, cette maternité de Marie consiste à participer à la naissance et à la croissance de la vie spirituelle des chrétiens. Marie a donné naissance au Fils de Dieu qui a "pris chair" par elle, "par l’Esprit Saint" (comme l’exprime le credo en français). A ce titre, elle peut être appelée "Mère de Dieu" – parce que Jésus est inséparablement Dieu et homme. A partir de là, elle contribue aussi, par analogie à la naissance des chrétiens qui, en recevant l’Esprit Saint au baptême, deviennent fils et filles du Père, en Jésus Christ. Marie contribue aussi à leur croissance spirituelle, en tant que modèle de foi et d’amour pour les chrétiens, mais aussi par son intercession.

Telle est l’origine théologique de la dévotion à la Vierge Marie, qui exprime l’amour des fidèles envers la Mère de Jésus qui est aussi la leur, et à laquelle ils demandent d’intercéder pour eux auprès de son Fils.

Cette mariologie a été officiellement confirmée par le concile Vatican II en 1964, dans la Constitution dogmatique Lumen Gentium, qui traite de la nature et de la mission de l’Eglise, et qui se clôt par un chapitre consacré à "La Bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu dans le Mystère du Christ et de l’Eglise" (chapitre 8).

Le concile résume ainsi la maternité de Marie: "En concevant le Christ, en le mettant au monde, en le nourissant, en le présentant dans le Temple à son Père, en souffrant avec son Fils qui mourait sur la croix, elle apporta à l’œuvre du Seigneur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. C’est pourquoi elle est devenue pour nous, dans l’ordre de la grâce, notre Mère" (LG 61).

Ce statut unique de Marie, qui appartient néanmoins "à l’ensemble de l’humanité qui a besoin de salut" (LG 53), implique qu’elle soit "légitimement honorée par l’Eglise d’un culte spécial". "Ce culte, tel qu’il a toujours existé dans l’Eglise, présente un caractère tout à fait unique." (LG 66) Toutefois, précise le concile, "il n’en est pas moins essentiellement différent du culte d’adoration qui est rendu au Verbe incarné ainsi qu’au Père et à l’Esprit saint" (ibid.).

Le Christ unique Médiateur

Lumen Gentium apporte une autre précision essentielle: "(…) la bienheureuse Vierge Marie est invoquée dans l’Eglise sous les titres d’avocate, d’auxiliatrice, de secourable, de médiatrice, tout cela cependant entendu de telle sorte que nulle dérogation, nulle addition n’en résulte quant à la dignité et à l’efficacité de l’unique Médiateur, le Christ" (LG 62).

Ce caractère unique de la médiation de Jésus est une donnée centrale de la foi chrétienne, comme l’exprime notamment l’épître aux Hébreux dans sa longue méditation sur le Christ grand prêtre de la Nouvelle Alliance: "Nous n’avons pas, en effet, un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses; il a été éprouvé en tous points à notre ressemblance, mais sans pécher. Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être aidé en temps voulu" (He 4, 15-16). Le texte ajoute plus loin: "Et c’est pourquoi il est en mesure de sauver d’une manière définitive ceux qui, par lui, s’approchent de Dieu, puisqu’il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur" (He 7, 25).

N'oublions jamais, comme chrétiens, que notre véritable intercesseur auprès de Dieu, c’est le Christ, et que l’intercession de Marie pour nous, n’ajoutant rien à l’efficacité de l’unique Médiateur, comme le dit Vatican II, n’intervient que par surcroît.

Christophe HERINCKX


Dans la même catégorie