En 2021, ce sont dix œuvres historiques majeures qui viennent d’être reconnues comme des Trésors. Parmi ceux-ci figurent une paire d’aigle-lutrins, le retable de la passion du Christ et de la vie de saint Denis, le premier et second suaire de saint Lambert, ainsi que la châsse Sainte-Begge.
La reconnaissance de la valeur exceptionnelle de ces œuvres les met en valeur, favorise leur restauration et évite aussi qu’elles ne courent le risque d’une vente à l’étranger.
Au nombre de ces pièces remarquables se trouvent plusieurs pièces issues du patrimoine religieux.
La ministre de la Culture, Bénédicte Linard, a notamment classé, le 23 avril de cette année, une paire d’aigle-lutrins offerte à la collégiale Saint-Pierre de Leuze au milieu du XVe siècle. La présence de deux lutrins aigles, qui peut sembler étonnante, se justifie par le fait qu’un des lutrins était utilisé pour la lecture des Évangiles et le second pour la lecture des Épîtres. Même si le doublement liturgique des lutrins est attesté dans d’autres églises européennes, il est le seul témoin de cette pratique sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Provenant visiblement du même atelier, ces deux lutrins portent le témoignage des pratiques de fonderie des ateliers tournaisiens du XVe siècle.
A la même date, la ministre a classé le retable sculpté conservé dans l’église Saint-Denis de Liège. Datant de la première moitié du XVIe siècle, ce prestigieux retable tripartite est divisé horizontalement en deux parties principales : la partie supérieure est ornée des scènes de la Passion du Christ et la partie inférieure comprend des scènes illustrant l’histoire de saint Denis. Ce retable constitue l’un des plus remarquables qui soient conservés en Belgique. Il se distingue par son format monumental, par la qualité de ses sculptures, par une polychromie partielle unique et par l’association de scènes de styles différents. De plus, le retable était à l’origine couvert de volets avec de multiples panneaux peints attribuables à Lambert Lombard et à son atelier. Il ne comporte toutefois aucune présence de marque de fabrication.
Enfin, deux suaires qui enveloppaient à l’origine les reliques de saint Lambert ont également bénéficié d’un classement en avril dernier. Tous deux sont conservés au Trésor de la Cathédrale Saint-Paul de Liège. Le premier suaire actuellement à l’état fragmentaire est décoré de formes ovales contenant des fleurs très schématisées. Le deuxième suaire est quant à lui conservé de manière exceptionnelle. Le décor trahit une forte influence islamique, probablement iranienne même s’il a été très probablement réalisé par un atelier byzantin provincial. La méthode de tissage avant-gardiste en fait cependant une pièce tout à fait rarissime.
Le 25 mai, le classement s’est porté, cette fois, sur le recueil des baux annuels d’exploitation du charbon par veine octroyés par l’abbaye de Saint-Ghislain. Celui-ci comprend deux grandes catégories de documents : 46 baux d’exploitation de charbon par veine concédés dans le dernier quart du XVIIe siècle par l’abbaye de Saint-Ghislain et l’ensemble des annotations liées à la gestion de ces mêmes baux.
Ce recueil est un survivant rare d’une catégorie de documents utilisés dans les établissements religieux sous l’Ancien régime, qui ont rarement résisté aux aléas de l’histoire. Son sauvetage constitue une aubaine pour les chercheurs. Il est à la foi un témoignage précieux pour l’histoire de l’abbaye de Saint-Ghislain et une source concernant les prix pour l’exploitation charbonnière et les archives industrielles en Hainaut.
Enfin, le 25 mai, c’est la Châsse de Sainte-Begge d’Andenne qui a bénéficié d’une reconnaissance officielle, étant considérée comme un chef-d’œuvre injustement méconnu de l’orfèvrerie religieuse de la Renaissance de nos régions. La datation et l’attribution de la châsse sont complexes, puisqu’il s’agit d’une œuvre composite réalisée en deux campagnes principales, par plusieurs orfèvres différents. La conception de l’ensemble de l’œuvre peut, en effet, être rattachée à une première campagne située vers 1560-1580. Les représentations d’apôtres ont été graduellement ajoutées par la suite, de 1608 à 1645. De qualité inégale, elles sont l’œuvre de différents artisans.
Un décret pour valoriser et protéger
Dans le décret du 11 juillet 2002, il est stipulé que « Les biens classés ne peuvent être transformés, restaurés ou déplacés sans autorisation préalable de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Celle-ci doit être avertie par le titulaire des droits réels en cas de modification de la situation juridique du bien mais aussi en cas de vente de celui-ci afin de permettre à la Fédération Wallonie-Bruxelles d’exercer un éventuel droit de préemption. Les biens classés ne peuvent être exportés définitivement.
Le Gouvernement exerce un contrôle sur l’état ou sur les conditions de conservation du bien classé.
Un bien protégé peut faire l’objet d’une aide financière pour son entretien ou sa restauration.
Des sanctions sont prévues en cas de non-respect des dispositions du décret. »
A. T. avec la Fédération Wallonie-Bruxelles
Illustration © SPW-AWaP photo Guy Focant