Les maisons de repos de congrégations catholiques, accueillant religieux et religieuses, ne sont pas comprises dans les premières phases des plans de vaccination bruxellois et wallon, alors que les maisons de repos classiques le sont. Discrimination? L’affaire est discutée au Parlement wallon.
La Maison Saint-Claude La Colombière, située à Bruxelles accueille une quarantaine de jésuites âgés qui terminent leur vie dans une maison qu’ils partagent. Comme dans des maisons de repos ordinaires, les résidents bénéficient de soins infirmiers avec un personnel soignant, de cuisine et d’entretien. Pourtant, les résidents de cette maison ne sont pas encore vaccinés. Après s’être adressés à Iris Care, en charge de la vaccination à Bruxelles, les responsables de l’établissement ont reçu une réponse disant que le vaccin arriverait en février. Depuis, plus de nouvelles et aucun vaccin à l’horizon. Si la Colombière a décidé de ne pas s’inquiéter et d’attendre patiemment, ce n’est pas le cas de tous les lieux de séjour. Deux religieuses d’autres congrégations ont lancé l’alerte. En effet, toutes les résidences non reconnues sont écartées des premières phases des campagnes de vaccination (wallonne et bruxelloise) qui concernent les homes et les collectivités.
La Coreb, la Conférence des Religieux et Religieuses en Belgique a décidé de fédérer les inquiétudes des différentes congrégations. Elle a envoyé le vendredi 19 février une lettre aux ministres de la santé dont Franck Vandenbroucke (sp.a), demandant que ces 1.750 religieux et religieuses tout comme le personnel soignant de ces établissements, soient reconnus comme personnes à risque. Elle appelle à mettre fin à cette différence de traitement avec les homes traditionnels en procurant rapidement le vaccin aux médecins référents de chaque communauté.
Un risque ignoré
Les structures de ces maisons pour religieux âgés varient en fonction des congrégations. Certaines s’adressent uniquement aux personnes invalides ou très âgées, d’autres regroupent des personnes valides qui prennent soin des moins valides. Dans tous les cas, la promiscuité de la vie en communauté entraîne un risque accru de contamination au Covid-19. Or, ce public de résidents est déjà fragile. Le père Robert Huet est le trésorier de la Coreb. Il est aussi membre de la communauté jésuite du Sacré-Cœur installée à Charleroi. Depuis des mois, les visites en chambre y sont interdites et les visiteurs sont uniquement reçus dans une pièce prévue à cet effet. L’isolement se fait sentir alors que les maisons de repos wallonnes sont progressivement déconfinées. « Plus personne ne peut recevoir en chambre. Les trois-quarts des pères ne sont plus visités du tout. Les gens sont en isolement en attendant le vaccin. Ça ne paraît pas juste« , souligne-t-il.
En se renseignant auprès de l’Aviq – l’agence wallonne pour une vie de qualité en charge de l’organisation de la vaccination – le père Huet a appris que sa communauté, comme les autres congrégations, fait partie de la phase de vaccination 1B, c’est-à-dire la vaccination des personnes de plus de 65 ans supposée débuter en mars. Puisqu’elles ne sont pas reconnues officiellement, toutes les structures informelles de séjour sont considérées comme des foyers traditionnels et ne seront pas vaccinées en priorité. Le risque de « cluster » (foyer de contagion) présent dans ces maisons est donc ignoré.
Le cdH a décidé de dénoncer cette discrimination dont sont victimes les structures informelles, qu’elles soient religieuses ou non. Mathilde Vandorpe (cdH) a interpellé Christie Morreale en commission parlementaire ce mardi 2 mars. Elle a questionné la ministre wallonne de la santé sur cette différenciation et lui a demandé si elle compte y remédier en y apportant le vaccin. Elle s’est également renseignée plus largement sur la vaccination des personnes vivant dans des lieux de vie collectifs.
La gestion locale flamande
En Flandre, ce type de lieux de séjour pour religieux existe aussi. Comme en Wallonie, ces maisons font partie de la vaccination générale des personnes âgées. L’URV (Union des Religieux de Flandre) estime que ce vaccin pour les plus de 65 ans arrivera « très bientôt » et qu’à ce stade, la reconnaissance du caractère prioritaire par les autorités nationales ou régionales « ne ferait pas beaucoup de différence« .
Ce qui inquiète davantage l’URV, c’est l’accès à la vaccination. En effet, la vaccination à domicile n’est, à ce jour, pas prévue et le déplacement vers un centre ou un hôpital pourrait être difficile pour certaines personnes âgées. L’organisation a donc signalé le problème à l’office en charge de la vaccination en Flandre (Zorg en Gezondheid). « L’office envisage de reconnaître des ‘collectivités’ dont les membres pourraient être vaccinés sur place« , fait savoir le père abbé Frederic Testaert, président de l’URV. Dès lors, l’Union des religieux considère qu’il s’agit davantage d’arrangements au niveau local entre le médecin de la communauté et les supérieurs locaux. En tant que religieux et religieuses, ils disent vouloir être solidaires avec les habitants du pays et logés à la même enseigne.
Dans la mesure où la vaccination de ces maisons demandera un dispositif spécifique semblable à celui en application pour l’instant dans les collectivités, on peut questionner la pertinence de les distinguer en fonction de leur statut administratif. Si l’objectif recherché est d’éviter le plus rapidement possible toute forme de « cluster », écarter certaines maisons est contre-productif et va à l’encontre du critère d’efficacité auquel sont tenus nos différents gouvernements.
Sarah POUCET
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