En 2020, le confinement aura bousculé tout le monde. De nombreux projets préparés pour les ados ont dû être annulés. Mais d’autres ont vu le jour! Car ces derniers mois, les acteurs de la pastorale des jeunes n’ont manqué ni d’audace ni de créativité.
Cette année, c’est depuis la maison qu’ils allèrent au festival Choose Life. En avril, le traditionnel événement du Réseau jeunesse ne put se tenir à Soignies. Il fallut donc se montrer créatif. Finalement, durant quatre jours, c’est en se connectant à leur écran que les ados purent vivre le festival. Et se mettre en chemin.
Cette année, c’est en Belgique qu’ils sont allés à Lourdes. En août, quitter le pays était hautement déconseillé. Grosse déception pour ces jeunes qui espéraient aider des moins valides sous le regard de Marie… L’alternative? Un camp résidentiel mêlant jeux, visites, témoignages et rencontres. La quinzaine de participants eut même droit à un passage par Beauraing. Et put ainsi voir la Vierge…
Cette année, c’est depuis leur canapé qu’ils ont été accompagnés. Fin novembre, une trentaine de jeunes a participé à une Semaine de Prière Accompagnée. Au programme: 30 minutes quotidiennes d’accompagnement individuel et deux rencontres en groupe. La distance n’a pas empêché les fruits. « J’ai découvert toute la richesse de l’Ecriture, combien Dieu me rejoint à travers sa parole », partage Gwenaëlle, 21 ans.
Voilà quelques projets qui ont été proposés cette année aux jeunes de notre pays. Impensables il y a un an, ils ont pris chair en quelques mois. Comment? Pourquoi? Et avec quelles conséquences sur l’avenir? « Dimanche » vous emmène dans les coulisses de la pastorale des jeunes.
« On ne se rendait pas compte »
Le 7 mars, ça chante au collège du Sacré-Cœur de Ganshoren! Plus de 130 ados s’y sont donné rendez-vous à l’appel de la Pastorale des jeunes de Bruxelles. Au programme de la journée: comment trouver des amis… dans la Bible? « On a vraiment eu de la chance », relit aujourd’hui Bénédicte Malfait, responsable du service. « A l’époque, on se demandait encore un peu si ce virus n’était pas qu’une vaste blague… Avec le recul, c’est surréaliste de constater à quel point on ne se rendait pas compte de ce qui nous attendait. » Cinq jours plus tard, la Première ministre Sophie Wilmès annonce la fermeture des écoles et la suspension des activités récréatives et culturelles.
Dans les jours qui suivent, à gros traits, les crayons barrent les pages des agendas. Réunions, animations, petits et gros événements… Tout ce qui avait été planifié doit être annulé. Les plages se libèrent, mais les cœurs sont lourds. « On a été contraints d’annuler Jai Jagat », raconte Catherine Jongen, coordinatrice de Church4You (voir encadré). « On préparait cette marche depuis deux ans. Elle aurait dû rassembler 500 jeunes. Clairement, au début, on a été tristes… » Engagé dans la pastorale des jeunes liégeoise et au Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ), Luc Mathues se souvient aussi: « on n’a pas directement pris la mesure des choses. On ne s’est pas tout de suite rendu compte que ça allait durer si longtemps. »
« Au début, je n’y croyais pas »
Très vite, pourtant, des idées fusent. Comment continuer à porter la Bonne nouvelle auprès des plus jeunes? Comment ne pas se contenter d’annuler ce qui était prévu? Partout, l’on se rend compte de l’intérêt qu’offrent les nouvelles technologies. « C’est ma collègue, Benita, qui m’a donné l’idée d’organiser des Facebook lives », reprend Luc Mathues. « Franchement, au début, je n’y croyais pas du tout. Les jeunes ont autre chose à faire que voir notre tête! Et en général, on essaie de les inviter à se déconnecter de leurs écrans. » Luc, pourtant, se laisse séduire. « Après les deux premières expériences, on s’est rendu compte que ça fonctionnait, que les jeunes répondaient présents. » Dans la foulée, l’animateur prend goût, s’informe et se forme. « Ce confinement a été une opportunité magnifique pour travailler autrement, via les réseaux sociaux, le web, le visuel, les vidéo-conférences… »
Le Réseau jeunesse, mouvement jésuite pour les jeunes, embraie aussi rapidement, utilisant sa page Facebook pour encourager les jeunes à… prier! « On a vu dans ce confinement une opportunité pour booster nos liens avec les jeunes, via Internet », explique Pierre Charles de la Brousse, coordinateur. « On leur a dit: faites la prière de l’alliance. Même quand vous êtes confinés, vous pouvez trouver la lumière de Dieu. » Mais alors que le Covid ne disparaît pas, il convient de dépasser le temps de l’urgence. Les idées s’affinent, les outils s’améliorent. « A l’aube du deuxième confinement, j’ai eu l’intuition qu’il fallait proposer autre chose que des simples rencontres en ‘live' », explique Marie-Alice Maes, coordinatrice du Réseau. C’est elle qui déniche Discord. Originellement conçu pour le plaisir des « gamers » (ces fans de jeux en ligne), ce logiciel est une plateforme de partage. En partenariat avec le MEJ, le Réseau jeunesse va en faire une aumônerie en ligne destinée aux 12-25 ans. Un lieu virtuel, accessible sur inscription, où l’on trouve un coin du feu, un espace prière, et une salle jeu de société! Cinq jours sur sept, un temps de permanence et d’écoute est aussi proposé. « Les jeunes ont besoin de contact », appuie Luc Mathues. « Notre rôle est de les aider à trouver de bons contacts! »
Prendre le temps
Il n’y a pas que les propositions des services qui ont été impactées par la crise. Leur manière de travailler a aussi évolué. A Bruxelles, l’entre-deux-confinements correspondait à une période de transition interne – départ, recrutement, changement de responsable… « On a impliqué l’ensemble de l’équipe dans le processus d’embauche », détaille Bénédicte Malfait. « Puis on a pris le temps de relire l’année, de planifier… J’en ai aussi profité pour relire des passages de Christus Vivit et me replonger dans des textes de Don Bosco. Ce temps nous a permis de nous nourrir. »
L’année écoulée a aussi favorisé la création de liens nouveaux. Entre services, entre diocèses, et même au-delà des parvis ecclésiaux… « Vu qu’on organise moins d’événements, on dispose de plus de temps pour téléphoner à un collègue », constate Bénédicte Malfait. « Et ça ne prend pas plus de temps d’avoir une rencontre Zoom avec un collègue de Tournai qu’avec un collègue de Bruxelles! » Luc Mathues poursuit: « c’est étonnant mais j’ai l’impression que les liens créés à distance sont plus forts que les liens créés quand on peut se voir. »
Un avant et un après
Serions-nous entrés dans l’ère d’une pastorale sans contact? Sûrement pas! « C’est mieux de faire un festival en ligne que de ne rien faire du tout », insiste-t-on du côté du Réseau jeunesse. « Mais cela reste un peu frustrant car les jeunes ont besoin de voir leurs potes! » « Ce qui nous manque, c’est de pouvoir célébrer ensemble », ajoute Luc Mathues. « Et il est bon que cela nous manque! » Il n’empêche: au cours des derniers mois, les services ont acquis une précieuse expertise dans le distanciel. Qui devrait durablement marquer leur travail.
Précisément, y aura-t-il un avant et un après? « J’espère que oui », répond Bénédicte Malfait. « J’aimerais qu’on soit davantage à l’écoute des besoins des jeunes. De même, dorénavant, nous saurons être plus créatifs et plus adaptatifs dans l’organisation de nos événements. » Luc Mathues nourrit aussi des espérances. « On a vécu une sorte de ‘reset’. Par le passé, il y a des activités que l’on organisait par habitude. A présent, on va devoir évaluer ce qui est vraiment important. »
Catherine Jongen espère également transformer la crise en opportunité. « Je vous l’ai dit: quand on a annulé Jai Jagat, nous avons été tristes au départ. Mais très vite, nous nous sommes dit que le chemin de préparation était toujours là. Nous avions lancé une dynamique participative, il y avait eu du mouvement… C’est à retenir: dans l’organisation de nos prochains événements, veillons à ce que le chemin fasse cheminer le plus grand nombre! »
Vincent DELCORPS