Le téléphone retentit! Maman décroche. “Allo…! Une très mauvaise nouvelle… J’ai trouvé le petit chat mort ce matin!” La maman raccroche. Sous le choc, elle se met à sangloter. C’est sa belle-mère, la grand-mère de ses enfants, qui vient de lui apprendre la nouvelle. Elle a vraiment de la peine.
Chaque fois qu’avec son mari et ses enfants elle se rendait chez ses beaux-parents, le petit chat était de la fête. Les enfants le cajolaient. Il jouait avec eux. Un vrai compagnon!
Garder le secret?
“Qu’est-ce que tu as maman? Tu pleures? Pourquoi?” Son mari et ses enfants la découvrent les yeux pleins de larmes et la mine défaite. Faut-il leur dire, leur annoncer cette triste nouvelle ou garder le secret… pour les préserver? Les jeunes parents se regardent et se comprennent. Oui! Cela ne sert à rien de cacher la réalité. Au contraire!
A l’annonce de la mort de leur petit compagnon de jeu qu’est le petit chat des grands-parents, les deux enfants de 11 et 7 ans ont la même réaction que la maman. Ils se retrouvent tous dans les bras l’un de l’autre. La mort d’un animal peut toucher très profondément les enfants.
Ces parents ont eu bien raison. Pourquoi garder un secret par rapport à la mort? Préserver les enfants de quoi? De la peine? De la réalité de la vie et de la mort? Partir dans le mensonge? Inventer que le petit chat s’est perdu?
Apprivoisement de la vie et de la mort
Ce petit chat était un être vivant, un véritable compagnon de la famille. Sa mort les fait entrer dans un véritable deuil. C’est le lot de tous les vivants que de mourir un jour. Il est du devoir des parents, comme de chaque éducateur de permettre aux enfants, même petits, d’apprivoiser progressivement cette réalité. Et bien entendu, le meilleur apprentissage est celui de vivre l’événement réellement.
A force de retarder la confrontation avec la mort, soi-disant pour préserver les enfants, on ne fait que rendre cette inévitable confrontation plus difficile, plus insurmontable. Et les enfants qui n’ont pas pu partager ces moments essentiels avec leur famille seront non seulement démunis eux-mêmes devant la mort de proches, plus tard de collègues, de voisins, parfois même incapables de solidarité, d’empathie, de compassion mais en outre, devenus adultes, ils seront en difficulté, peut-être même totalement démunis devant leurs responsabilités vis-à-vis des générations futures en cette matière.
La mort initiatique d’un animal
La mort d’un animal connu et aimé des enfants est, au contraire, une voie royale pour apprivoiser la mort des « êtres vivants par excellence » que sont les humains; de même qu’il convient de leur raconter l’accompagnement aux mourants et les accompagner lors d’un décès quand il survient. Il est important, voire essentiel, de les initier à la question de la mort, en dehors d’un contexte de crise, quand personne n’est touché par la mort parmi les proches. C’est à cela que servent les contes (pas seulement « pour enfants »). C’est en cela aussi que des fêtes chrétiennes comme le Jour des Défunts (le 2 novembre) ou le Vendredi Saint, revenant chaque année, sont initiatiques à souhait.
Oui mais, ici c’était la mort de leur petit chat. Est-ce comparable avec la mort d’un humain? Les enfants font progressivement bien la différence, pour peu qu’ils aient eu de véritables relations affectives avec les personnes décédées. “Grand-mère, tu as enterré le petit chat dans le jardin, on peut aller sur sa tombe?” Peu après, voilà les enfants déposant quelques fleurs sur la petite dalle de pierre, au milieu des herbes. “Dis, grand-mère, où est notre petit chat maintenant?” Et la grand-mère chrétienne a eu, par intuition, cette belle réponse poétique: “Je pense que saint François d’Assise l’a accueilli.” Réponse qui ouvre au mystère et qui peut ouvrir à un dialogue jamais achevé.
Luc Aerens
Diacre, comédien et pédagogue