Créé en 1883, le Bureau des Constatations médicales de Lourdes a pour mission de confirmer, selon une procédure rigoureuse, le caractère inexpliqué d’une guérison. Le docteur Alessandro de Franciscis, médecin permanent et président du Bureau depuis 2009, nous explique le déroulement de ce processus de confirmation, qui peut aboutir à la reconnaissance d’un miracle par l’Eglise.
Lorsqu’une personne se déclare guérie par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, comment en vient-on à la reconnaissance du caractère miraculeux de cette guérison? Comme nous l’explique le docteur Alessando de Franciscis, un processus long et complexe se met alors en place, une véritable « procédure », dans laquelle « sont impliqués les médecins d’une part, et la hiérarchie catholique d’autre part. »
Au point de départ, une personne guérie – dans le sanctuaire de Lourdes ou en dehors, par exemple après le retour d’un pèlerinage – se rend au Bureau des Constatations Médicales. « Le médecin enregistre alors la déclaration de cette personne et essaie de se faire une première idée« , précise le docteur Franciscis: « s’agissait-il d’une maladie ou d’un handicap sérieux? La guérison semble-t-elle effective? Si la réponse à ces deux questions est positive, il faut encore se demander si le fait est exceptionnel ». Pour que la guérison puisse éventuellement être reconnue comme inexpliquée, il faudra s’assurer que la guérison ne puisse, dans le contexte des connaissances actuelles de la médecine, pas être expliquée par des causes naturelles.
Constater la guérison
Si le médecin juge qu’il vaut la peine de poursuivre l’enquête, il va demander à la personne de réunir le maximum de pièces pour étayer le diagnostic. « Cette étape est essentielle, car les médecins de Lourdes doivent pouvoir vérifier que la personne était effectivement atteinte de la maladie dont elle pensait être victime. Etant donné qu’elle est guérie, il est impossible de vérifier ses dires autrement que par des documents attestant des examens médicaux subis avant la guérison. »
S’il a été possible de constituer un dossier à peu près complet, le médecin peut réunir un « Bureau des Constatations médicales ». Tous les médecins présents à Lourdes ce jour-là, sans distinction de leurs convictions personnelles, sont alors invités à se réunir en présence de la personne concernée. Ils peuvent poser toutes les questions qu’ils souhaitent et discuter entre eux de la solidité du diagnostic et des évolutions connues de la maladie concernée. Toute cette phase consiste à « constater » la guérison. « Autant pour réunir les pièces du dossier que pour tester la permanence de la guérison, cette phase peut durer des années », indique encore Alessandro Franciscis.
Si la guérison est effectivement constatée par le Bureau des Constatations médicales, le docteur de Franciscis transmet le dossier au Comité Médical International de Lourdes (CMIL), qui l’examine lors de sa réunion annuelle. Que fait ce Comité, autre « pièce » importante dans le processus, et qui regroupe des médecins du monde entier? « D’habitude, le CMIL nomme un de ses membres pour approfondir l’examen du dossier », explique Alessandro de Franciscis. « Ce médecin ‘rapporteur’ peut consulter qui il veut, il fait appel à tout ce que la ‘littérature’ spécialisée a publié sur la maladie en question. Il peut aussi soumettre des pièces du dossier, en aveugle, à des confrères pour recueillir leur appréciation. »
La reconnaissance d’un miracle
Pour rendre son jugement, le CMIL tient compte des sept « critères de Lambertini » pour décider si la guérison est inexpliquée. Ces critères ont été établis par le cardinal Prospero Lambertini, le futur pape Benoît XIV (1740-1758). Ils stipulent, par exemple, que la maladie doit être « grave, incurable ou de traitement aléatoire »; que « la guérison soit soudaine et obtenue en un instant », « qu’elle soit parfaite, et non pas incomplète ou partielle », et également définitive.
En fonction de ces critères, les conclusions du CMIL peuvent aller plus ou moins loin dans la reconnaissance d’une guérison. « S’il reste une marge d’incertitude sur le diagnostic », dit le docteur de Franciscis, le CMIL pourra se contenter de la ‘confirmer’: oui, cette personne allait mal; oui, depuis des années et aujourd’hui, elle va bien; oui, ce changement brutal est lié à Lourdes. » Le CMIL peut également « aller plus loin et ‘certifier’ que le mode de cette guérison reste inexpliqué dans l’état actuel des connaissances scientifiques. L’approbation doit alors recueillir les deux tiers des voix ».
Après cette phase médicale, indépendante, de la procédure, mandatée par l’Eglise, celle-ci entre en jeu: à partir des conclusions du CMIL, l’évêque du diocèse de la personne guérie décide de la reconnaissance publique par l’Eglise, sans devoir, pour cela, recourir à Rome. L’engagement le plus fort de l’Eglise locale est la reconnaissance du « miracle ». L’évêque, toutefois, peut décider de ne pas aller jusque-là, et d’en rester au jugement de la médecine qui, elle, ne peut que déclarer le caractère inexpliqué d’une guérison. A ce jour, 70 guérisons survenues en lien avec Lourdes ont été reconnues comme inexpliquées .
Propos recueillis par Christophe HERINCKX