L’augmentation de l’espérance de vie ne signifie pas une meilleure vie pour tous. Action Vivre ensemble tire la sonnette d’alarme sur cette perception erronée des seniors qui ne sont pas égaux face à l’âge et la maladie.
« Puisque nous vivons plus longtemps, il est normal de retarder l’âge de départ à la retraite. » Cette opinion est souvent formulée, avec des mots et des motifs différents, par les politiques pour justifier un allongement de la carrière. Il faut cotiser plus pour bénéficier d’une pension acceptable, disent certains. Ce à quoi l’analyse de Vivre ensemble répond par la question de la qualité de vie. « Nous avons voulu aborder cette problématique sous un autre angle que l’économique », explique Renato Pinto qui signe le document « Vivre vieux, vivre mieux » publié par l’association Vivre ensemble.
Les statistiques montrent certes que l’espérance de vie augmente comme le confirme Statbel, l’office belge des statistiques: « En 2019, l’espérance de vie à la naissance s’établissait en Belgique à 81,8 ans pour la population totale, 84,0 ans pour les femmes et 79,6 ans pour les hommes. » La même source démontre une évolution croissante depuis des décennies. Entre 2018 et 2019, chacun aura pu gagner 0,3 année d’espérance de vie selon la moyenne générale.
Toutefois, ces chiffres doivent être nuancés. La croissance peut stagner certaines années, voire même régresser ponctuellement. 2015 fut une de ces périodes où la grippe et les conséquences de la canicule n’ont pas permis de faire avancer l’espérance de vie en Belgique. Cette année 2020 pourrait aboutir à un résultat identique en raison de la pandémie de Covid-19. Renato Pinto se demande si « nous n’atteindrons pas peut-être un palier dans l’allongement de l’espérance de vie ». Les spécialistes (dont Vivre ensemble reprend l’analyse) évoquent en effet un ralentissement de la croissance générale liée à « notre mode de vie, notamment la pollution et l’industrialisation de l’alimentation (et la malbouffe qui l’accompagne) ».
Nous ne sommes pas tous égaux
Face aux arguments politiques qui encouragent à allonger la durée de la carrière professionnelle, Renato Pinto évoque une deuxième nuance: « nous ne sommes pas tous égaux face à la vieillesse et à l’effet de l’âge ». Même si en théorie, nous devrions tous connaître un nombre d’années comparable à la retraite, tous et toutes ne le ressentiront pas dans les mêmes conditions. Les revenus peuvent induire de grandes disparités. « Plus on est pauvre, plus l’espérance de vie est faible », résume l’analyse de Vivre ensemble. La santé fait partie des premiers domaines dans lesquels le manque d’argent va se faire sentir. Avec une petite pension, il est difficile pour certaines personnes âgées de se soigner ou de pouvoir accéder à une résidence avec les services médicalisés nécessaires.
A l’occasion de cette déconstruction de l’analyse politique dominante, Renato Pinto pointe du doigt la tendance habituelle et réductrice de classer les gens par catégorie comme si tous les « seniors » étaient un groupe homogène. Même si l’âge est une donnée objective, la manière dont on vit cette période de la vie varie très fortement d’une personne à l’autre, en fonction de multiples paramètres: état de santé, liens sociaux, ressources, genre, culture, etc. A cette catégorie des « vieux », l’opinion tend à attribuer des caractéristiques telles que la lenteur ou la faiblesse physique. En résumé, « notre société déconsidère complètement le potentiel des personnes âgées ».
Respect de la personne humaine
Une évolution des valeurs s’est produite en même temps que l’augmentation de l’espérance de vie. Autant, l’essentiel d’une vie était autrefois consacré au travail, autant aujourd’hui, il est devenu normal de pouvoir bénéficier de quelques années de retraite après le long temps de carrière. Renato Pinto reformule cette évolution par cette question primordiale: « quelle est la finalité de nos vies? » La réponse des politiques ne coïncide pas nécessairement avec la volonté des personnes concernées elles-mêmes. La retraite à laquelle les personnes âgées accèdent ne représente pas un temps d’inutilité, comme le pensent certains, qu’il faudrait combler en s’occupant des petits enfants par exemple. Les seniors sont des acteurs comme les autres dans la société. Fondamentalement, l’analyse menée par Vivre ensemble interpelle le citoyen: « une personne doit-elle forcément être considérée comme utile pour mériter le respect, ou devrait-on plutôt la respecter d’office, pour ce qu’elle est: une personne humaine? »
A tous ceux qui voudraient mettre en péril les avancées sociales de la couverture maladie ou du droit à la retraite, rappelons que ces droits sont inscrits dans l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme: « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant […]; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. » La prise de conscience de cette problématique par un maximum de citoyens devrait éviter – espérons-le – que certains politiques puissent conditionner une aide financière ou l’accès à des remboursements de santé à des critères de rentabilité comme cela se fait dans de nombreux domaines. Soyons vigilants!
Anne-Françoise de BEAUDRAP
L’analyse peut être consultée sur le site de Vivre Ensemble: https://vivre-ensemble.be/vivre-vieux-ou-vivre-mieux-faut-il-choisir
Ne manquez pas l’émission télé « Il était une foi » qui sera consacrée à ce sujet.
Première diffusion le dimanche 22 novembre 9h20 sur La Une