Meurtre de Samuel Paty : Ne lâchons rien !


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Meurtre de Samuel Paty :  Ne lâchons rien !
Par La rédaction
Publié le - Modifié le
4 min

Le meurtre infâme de Samuel Paty qui avait montré à ses élèves les caricatures de Muhammad publiées par Charlie Hebdo suscite le recueillement des uns. Les autres ne manquent pas de se répandre sur les réseaux sociaux pour le meilleur et pour le pire. Las, nous pourrions ignorer le pire. Ce serait tentant. Et pourtant, le drame de Conflans-Sainte-Honorine nous rappelle que nous ne pouvons pas baisser la garde.

"Ils l’avaient quand même bien cherché", exprime sans scrupules un anonyme au sujet des attentats de Charlie. Cette réaction à vomir est loin d’être isolée. Faut-il encore vraiment rappeler que rien, absolument rien, ne justifie de tels déferlements meurtriers? Oui, il faut le rappeler. Plus loin, je lis les commentaires à foison de ceux qui méprisent l’islam ou de ceux qui martèlent le même slogan: "Tout ça ne concerne pas l’islam". Il existe deux raccourcis indignes. Le premier est d’accuser de façon généralisée l’islam. Le deuxième est de dédouaner l’islam de ses responsabilités. Pour le dire autrement, il est tout à fait stupide de stigmatiser ou réduire l’islam aux actes barbares des islamistes. Ce n’est pas l’islam d’une majorité de musulmans. Mais il est tout aussi stupide de faire l’autruche et de ne pas reconnaître que c’est au nom de l’islam que des groupes terroristes sèment la terreur dans le monde ou que les droits humains sont bafoués de façon abyssale dans de nombreux pays islamiques. Il convient d’observer lucidement qu’il n’existe pas un islam, mais des islams avec une grande diversité confessionnelle, culturelle et géopolitique. Au cours de son histoire, chaque religion doit se confronter à un certain nombre de crises et avoir le courage d’identifier les maux qui la gangrènent en son nom et en son sein. L’histoire du christianisme n’a pas fait exception.

Ailleurs circule le même simplisme depuis des années: "On autorise Charlie à caricaturer le Prophète mais on censure un humoriste qui se moque de la Shoah" Sauf que cela n’a rien à voir! Lorsqu’un humoriste politique est reconnu antisémite et négationniste, il est condamné par la loi. Une liberté n’est jamais absolue. Elle est restreinte par des limites afin de garantir la liberté et le respect de tous. En démocratie, rien n’empêche la liberté de presse et d’expression de qui que ce soit, pour autant qu’on ne franchisse pas plusieurs lignes rouges: la diffamation, la calomnie, le racisme et autres discriminations, l’incitation à la haine et à la violence. Que je sache, personne n’est empêché de débattre de façon démocratique sur l’expression de Charlie, d’aimer ou de ne pas aimer, de trouver ça drôle ou choquant, de trouver ça salutaire ou fâcheux et de le faire savoir. Il y a une victimisation malhonnête à faire croire qu’on est privé de critiquer Charlie. Il y a la liberté de faire une caricature et il y a la liberté de l’apprécier ou de la critiquer. Si j’estime être diffamé ou violenté par un article de presse ou un dessin, j’ai la liberté de déposer une plainte et c’est à la Justice de trancher. De part et d’autre, il n’y a pas de liberté sans responsabilité. C’est l’état de droit qui garantit la vie en société. On peut débattre légitimement sur la manière ou l’opportunité de critiquer une religion, mais pas sur le fait même de s’y autoriser. Il n’y a pas de crime de blasphème ou d’hérésie en démocratie.

Vraiment, il y a urgence à ne pas banaliser la prolifération en ligne des opinions binaires, simplistes, qui minimisent la barbarie des faits et la complexité des enjeux en présence. Par les biais de la famille, de l’éducation et de la culture, il faut s’atteler à développer l’esprit critique des plus jeunes, à démocratiser les contre-discours qui clouent le bec aux idéologies complotistes et radicales qui pullulent sur internet. Faisons en sorte que les réseaux sociaux n’aient jamais le monopole de l’ouverture sur le monde! Refusons le ramollissement des esprits et le durcissement des cœurs! En mémoire de ce que faisait lui-même Samuel Paty, ne lâchons rien!

Sébastien Belleflamme
Enseignant et animateur en pastorale

Catégorie : L'actu

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