C'est dans un projet audacieux qu'Elisabeth Ryelandt s'est lancée en concevant une exposition dans sa propriété. Des photos à voir en plein air, en ce début d'automne.
Le domaine du Bautersemhof voit régulièrement des jeunes mariés prendre la pose dans ses jardins. Environ 300 couples s'y sont déjà rendus le jour de leur mariage. L'idée a alors jailli dans l'esprit de sa propriétaire d'inviter les mariés sur place quelques années, voire quelques décennies plus tard. Il s'agit donc d'un avant-après, sous l'appareil d'une photographe talentueuse, Jessica Hilltout. 32 couples ont répondu à l'invitation et se sont laissé photographier. Voilà une occasion de marquer un temps d'arrêt et de "se poser des questions essentielles. J'ai vu une facette de moi dans chaque couple !", commente l'artiste. Le bois est ainsi devenu son atelier, durant les quatre saisons de pose. L'introspection a été grande dans ce travail d'observation et de capture d'émotions, mené avec finesse. Les photos se trouvent à présent disposées dans le parc, dans une scénographie réfléchie par Patricia De Peuter, ancienne conservatrice à la banque ING. La curatrice de l'exposition se réjouit de cette initiative privée; elle témoigne de la foi "dans les antennes de l'artiste qui peut mettre des choses en évidence et pose un autre regard sur la collectivité. Jessica sort la beauté et l'amplifie". Les panneaux se répondent en écho, dans une mise en scène réfléchie. "Chaque endroit de la nature a ses caractéristiques, son intimité. L'art et la nature apportent une lecture et une sensibilité supplémentaire, sans que l'un ne domine l'autre", poursuit la curatrice. Ajoutant encore: "les photos racontent l'ancrage local, l'attachement et l'évolution sociale".
Dans l'écrin de verdure, les photos disposées le long d'une promenade invitent à la réflexion et à la contemplation intérieure. Joyeux, grave, triste, solennel, ému… Chaque visage est différent et reflète des sentiments variés. Les photographies capturent une émotion, elles ne réduisent pas les personnes à ce moment précis. "Nous sommes confrontés aux histoires des autres, qui font miroir. Si les gens sont touchés, nous avons réussi", précise Elisabeth Ryelandt, qui se réjouit de la venue des habitants des environs, tandis que Patricia De Peuter estime que la lecture est différente de celle "dans une salle blanche. Elle renvoie plus à nous". Les panneaux pourraient être disposés dans un autre environnement; c'est la pose des corps et les émotions livrées ou voilées qui importent. "Les musées sont souvent élitistes et les collections privées. Ici, la nature est proche des gens. En soi, l'exposition est universelle", précise son initiatrice. "Le fil rouge est la création d'un lien social dans une société où le dialogue se perd. L'évolution urbanistique fait de Zandhoven un faubourg d'Anvers et la ruralité y disparaît. L'exposition n'est pas un éloge du mariage, mais de la vie. Chacun a de l'importance, car quel qu'il soit, il est aimé de Dieu. J'ai foi en l'homme pour sa résilience et sa capacité à se relever. Et puis, comment être ronchon, quand on est aimé de Dieu ?", s'interroge Elisabeth Ryelandt.
Nourrir la réflexion
La gravité de certains visages laisse percevoir des drames, sans les exhiber. L'entre-deux tient précisément à montrer sans indiscrétion. "Ces photos excessivement intimes demandent de la compassion", observe encore Elisabeth, qui y voit, par deux fois, une forme de Piéta. Influencée par les artistes flamands, Jessica Hilltout y fait quelquefois des allusions par la posture de certains figurants, devenus des personnages. Le deuil se trouve présent sous différents états: celui d'un enfant, d'un parent ou du conjoint, qu'il soit mort ou absent… La présence d'un arbre s'inscrit alors avec force, pour symboliser le disparu. "Ce qui m'anime, c'est une exploration de l'imperfection, du doute, de la fragilité. L'être humain doit souvent faire face à la douleur, sous la forme de la maladie, de la mort… Chacun d'entre nous a un bagage différent. Mettre en valeur ces imperfections nous rassure dans notre humanité commune", estime la photographe. Le mot de la fin revient à Elisabeth : "beaucoup de couples ont été terriblement émus d'avoir été capables de s'ouvrir et d'avoir fait confiance". Promenade pour certains, pèlerinages pour d'autres, chacun progresse à son rythme.
Angélique TASIAUX
Infos : www.sidebysidezandhovenfr.com/ "Side by Side" a reçu le soutien de la Fondation Roi Baudouin, en tant que mécénat culturel, grâce auquel les dons bénéficient d'une exonération fiscale. L'exposition est accessible jusqu'au 31 octobre, du mercredi au dimanche, de 10h à 17h. Boutersemdreef, 15 à 2240 Zandhoven.