Universelles, la naissance, la mort et, entre les deux, le vieillissement. Pour le vivre au mieux, la pratique d’une activité sportive régulière s’impose, sans oublier une alimentation sans excès. Rencontre avec un adepte de cette approche.
Le docteur Masson l’avoue en souriant, l’idée de ce cours sur le vieillissement a pour origine son propre vieillissement! Davantage que l’âge, il estime que les gens redoutent « ses complications, ses effets et la souffrance ». Docteur en médecine, Pierre Lucien Masson a notamment enseigné l’immunologie à l’UCLouvain, où il a également été doyen de la faculté de Médecine dans les années 80. Retraité depuis près de vingt ans, il poursuit une activité d’enseignant auprès de l’Université des Aînés. C’est dans ce contexte qu’il a mis sur pied un cours consacré au vieillissement. Nourri par ses très nombreuses lectures et recherches sur ce sujet, celui-ci s’adresse à un large public, qui n’est pas nécessairement scientifique. « Certains ont des soucis de santé et cherchent un remède miracle, tous sont des gens curieux, avec un bagage intellectuel intéressant », observe-t-il. Dans l’actualité liée au Covid-19, le médecin souligne une « méconnaissance irritante ». Le remède lui paraît toutefois simple à mettre en pratique: « il devrait y avoir plus de notions médicales dans les cours de biologie ».
Un intérêt récent
Pendant de nombreuses années, la question de la virilité et la lutte contre les rides ont davantage mobilisé l’intérêt des investigations scientifiques. Jusqu’à ce que les recherches menées sur une mouche et un ver trahissent des similitudes étonnantes… « Depuis une dizaine d’années, on a réalisé que les résultats obtenus chez les animaux, même très primitifs, étaient extrapolables aux humains. C’est ainsi que les investissements financiers dans ce type de recherche sont devenus considérables, notamment par des firmes comme Google et par l’institut de recherche Human Longevity lancé par Graig Venter, un des pionniers du séquençage du génome humain. Les chercheurs de ces institutions sont convaincus que des enfants nés en 2015 pourront atteindre l’âge de 120 ans. »
Le vieillissement marque les corps et laisse ses empreintes, notamment sur la peau, dont l’amincissement trahit « le ralentissement du renouvellement des cellules épidermiques ». La sénescence cellulaire est engendrée par « l’incapacité progressive des cellules à se diviser et donc à se multiplier ». Autre dégradation avec l’immunosénescence, c’est-à-dire « l’épuisement progressif du système immunitaire avec l’âge. La conséquence évidente est un risque accru d’infections, mais aussi de cancers », affirme encore le docteur Masson. « Le système immunitaire est impliqué dans pratiquement chaque type de pathologie. » En guise de protection, il recommande de recourir aux vaccins contre la grippe et la pneumonie à pneumocoques.
Le sport, un antidote universel
Pour pallier les vicissitudes liées au vieillissement, la restriction calorique et l’exercice physique s’imposent en première ligne. Ce n’est pas pour rien que de nombreuses religions proposent à leurs fidèles d’adopter un jeûne périodique, observe le docteur Masson. La « modération alimentaire » peut être pratiquée sous la forme d’une « diète périodique, avec, par exemple, une réduction de la moitié des calories ». La nécessité d’une cure ponctuelle s’explique par l’excès alimentaire qui guette la population. « En vieillissant, on garde des habitudes et un régime alimentaire qui n’est pas assez varié. La muqueuse intestinale s’atrophie et résorbe moins bien » les aliments. Si l’exercice est tellement recommandé, c’est parce qu’il lui est reconnu la faculté d’activer « les cellules satellites » et de favoriser « leur multiplication et différenciation ». Ce faisant, il concourt à « ralentir les effets de l’âge ». Un cercle vicieux apparaît souvent avec la prise d’âge et de poids. Des douleurs au genou, par exemple, vont réduire l’envie de mouvement et, par là-même, renforcer une station assise et le nombre de kilos. « L’hérédité joue un rôle indubitable dans la longévité, mais une alimentation contrôlée et des exercices physiques réguliers contribuent certainement à maintenir la santé comme le montrent de nombreuses études statistiques. » Mieux encore, une activité physique régulière a « un véritable impact sur la mortalité ». Son bénéfice concerne directement quatre type d’aspects: le maintien de l’équilibre et des réflexes, une prévention de l’ostéoporose et de l’arthrose, une moins grande fréquence de l’hypertension et, enfin, un renforcement du système immunitaire. Par ailleurs, l’exercice physique réduit sensiblement la dépression nerveuse. Les consignes relatives à sa pratique sont intimement liées à l’âge, au sexe et au poids. Il convient d’en référer, le cas échéant, à un praticien. Aujourd’hui, il apparaît que « certaines médications imitent les effets de l’exercice physique ». Les laboratoires pharmaceutiques ont bien saisi leur intérêt et les développent, dans un monde où il est devenu possible de « quantifier » le vieillissement d’un individu. Car le jeunisme n’est pas une mode récente, selon le scientifique, qui estime le phénomène « inévitable. Déjà du temps de Cléopâtre, il y avait les vestales dans les temples! »
Parmi ses étonnements lors de l’élaboration du cours, il est celui du « paradoxe entre l’axe métabolique qui mène à la croissance des tissus et favorise le vieillissement ». Au sein d’un même corps, les deux visées antinomiques se croisent. A peine né, nous vieillissons déjà…
Angélique TASIAUX
Pierre Lucien Masson © UDA