A l’issue de la prière de l’Angélus d’hier-midi, le pape François s’est dit « affligé » par la décision turque de reconvertir l’ancienne basilique Sainte Sophie à Istanbul en mosquée.
À peine une heure après que le Conseil d’État turc avait déclaré ne pas s’opposer à la conversion de la « Hagia Sophia/Aya Sofia » en mosquée, le président turc Recep Tayyib Erdoğan a signé la semaine dernière un décret permettant le culte musulman dans ce haut-lieu d’Istanbul, dès le 24 juillet. Cette décision a suscité beaucoup de réactions, dont celle du pape François, qui est sorti hier-midi brièvement de son discours initial.
Voyage en 2014

Le pape François rencontrant le patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée Ier, lors de sa visite en Turquie, en 2014.
« Mes pensées vont vers Istanbul », a dit le pape. « Je pense à la Sainte Sophie et je suis fort triste. » C’était le premier commentaire du Vatican après la décision turque. L’Osservatore Romano s’était limité à rapporter de manière factuelle les événements, citant les réactions internationales mais sans commenter. Lors de son voyage en Turquie fin novembre 2014, François avait rendu visite à la Mosquée bleue et à la « Sainte Sophie ».
Atatürk
La première « megale ekklesia » – grec pour « grande église » – à cet endroit avait été érigée par l’empereur romain Constantin II en 360. La basilique actuelle date en grande partie du VIe siècle. Mais après la chute de l’Empire byzantin en 1453, les Ottomans avaient déjà transformé l’ancienne cathédrale orthodoxe en mosquée. C’est le fondateur de la Turquie moderne, Mustapha Kemal Atatürk, qui en 1934 en a fait un musée.
Conseil œcuménique des Églises
Le Père roumain-orthodoxe Ioan Sauca, faisant fonction jusque l’été prochain comme secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises, réfère à ce caractère séculier de la République turque dans le courrier qu’il a adressé à Erdoğan samedi passé. « En renversant la décision de 1934 de préserver ce monument comme patrimoine partagé de l’humanité, vous renoncez à l’engagement turc pour la compréhension mutuelle, le respect, le dialogue et la coopération. » Le Père Sauca craint par ailleurs que la décision puisse « encourager les ambitions d’autres groupes autre part dans le monde de renverser les status quo existants et de promouvoir de nouvelles divisions entre communautés religieuses ».
Unesco
L’Unesco, qui avait listé la Sainte Sophie et plusieurs autres monuments à Istanbul parmi le Patrimoine mondial, a précisé que « toute modification qui porte atteinte à la valeur exceptionnelle universelle d’un bien inscrit sur la liste du patrimoine mondial, doit faire l’objet d’une notification préalable à l’Unesco et, le cas échéant, d’un examen par le Comité du patrimoine mondial. » Cela ne semble pas avoir été le cas. L’Unesco rappelle par ailleurs qu’une participation effective, inclusive, et équitable des communautés et autres parties prenantes concernées par le bien, est une condition nécessaire pour préserver ce patrimoine et mettre en valeur son caractère unique et sa signification.
Benoit LANNOO
Image de Sainte Sophie par Claudia Beyli de Pixabay