C’était évidemment avant le confinement, quand les équipes de catéchèse pouvaient encore se réunir, comme ce sera un jour à nouveau le cas.
Sœur Anne accompagne un groupe d’enfants. Et, ce jour-là, elle leur révèle qu’une jeune fille de Nazareth, il y a deux mille ans en Palestine, a répondu « Oui!” lorsque le messager de Dieu (donc Dieu lui-même) lui demande si elle veut bien devenir sa maman lorsqu’il viendra naître et vivre sur la terre, homme parmi les hommes (Lc 1,26-37).
Catéchèse missionnaire
Plusieurs enfants reconnaissent qu’il s’agit de Marie. Pas tous! On est au XXIe siècle! Certains, en arrivant en catéchèse, n’ont jamais entendu raconter le moindre récit biblique. D’autres demandent ce qu’est cet objet, en désignant une croix. D’autres encore ne sont jamais entrés dans une église et, bien entendu, ignorent totalement ce qu’est une célébration.
Certaines personnes en déduisent que plus rien n’est possible dans ces conditions. C’est évidemment le contraire! Pour certains enfants, tout est à faire! Avec deux effets pédagogiques intéressants. D’une part, chez ceux dont le terrain est vierge, il n’y a pas, contrairement à de nombreuses personnes, jeunes ou non, un phénomène de rejet par rapport à la religion (comme cela se vivait souvent à la fin du XXe siècle). Et, d’autre part, dans un groupe, les enfants qui ont déjà découvert des éléments de la foi chrétienne peuvent en témoigner auprès de leurs amis du groupe. Ils sont déjà des missionnaires en puissance.
Dieu respecte la liberté humaine
Mais revenons au groupe de catéchèse animé par sœur Anne. Une discussion s’engage à propos du « Oui! » de Marie. « Est-ce qu’elle pouvait refuser?” Belle question par rapport à la liberté humaine et au respect que Dieu a pour chacun(e). Assez vite, les enfants s’accordent sur la liberté de choix qu’avait la jeune fille de Nazareth. En fait, cette question leur permet aussi d’aborder la nature de Dieu, un Dieu pour et avec les hommes.
Vient alors une question surprenante: « Dieu était-il certain que Marie allait dire ’Oui!’ quand il a tout créé?” Mine de rien, cette question d’un petit relie des récits du Nouveau et de l’Ancien Testament. Le groupe inaugure là, sans le savoir, une des grandes richesses du travail biblique: celui de faire s’éclairer mutuellement différents textes, y compris ceux de la tradition juive avec ceux de la tradition chrétienne. Mine de rien, sœur Anne s’aperçoit aussi qu’elle devra un jour faire découvrir aux enfants que les récits de création dans le Livre de la Genèse ne sont pas des descriptions scientifiques (la question des genres littéraires).
Des théologiens en herbe
La catéchiste demande à l’enfant d’expliciter sa question. « Mais oui! Si Dieu n’était pas certain que Marie allait dire ’Oui!’, est-ce qu’il aurait créé le monde avec des êtres humains sachant que jamais Jésus ne pourrait venir les sauver, puisqu’il ne serait pas né?” Là, sœur Anne est restée bouche bée pendant un moment. Elle n’en revenait pas. « Mais qu’est-ce que ces enfants ont dans la tête?” pensa-t-elle. Comment travailler une question pareille avec des enfants de moins de 12 ans?
Curieusement, ce sont les enfants du groupe de catéchèse qui lui ont apporté la réponse. Une discussion passionnée et passionnante s’est aussitôt engagée à propos de cette question. De vrais petits théologiens en herbe, chacun(e) y allant de ses arguments. Et puis, après un moment, ils sont tout naturellement passés à autre chose.
La catéchèse d’aujourd’hui est passionnante et… pas toujours simple à animer. Dans le même temps, les groupes abordent des questions profondes (un peu tordues, parfois) tout en ignorant ce qu’est une croix ou une célébration, pour certains. Cheminements en perspectives!
Luc Aerens