Les fausses bonnes nouvelles abondent. Comment distinguer le vrai du faux? Dans le flot d’informations, plus terribles les unes que les autres, lesquelles privilégier? Quels sont les interlocuteurs fiables?
Dans le magazine « Intermag » (*), Jean Blairon et Alice de Coorebyter s’interrogent sur la gestion de la crise actuelle, qui « engage des enjeux sociétaux qui dépassent de loin la dimension sanitaire ». Dans cet état d’esprit, ils soulèvent le rôle joué par les médias devenus les « protagonistes à part entière d’une situation ». Les deux chercheurs dénoncent « le matraquage des émissions spéciales qui se succèdent en se ressemblant, l’une par rapport à l’autre et les unes par rapport aux autres – il est en effet effarant de voir une fois encore la capacité d’imitation réciproque dont font preuve les médias: même logique de fond, mêmes types de reportages et de rubriques… » Le plus important dans un tel contexte ne serait-il pas, à l’inverse, de « s’arrêter pour penser », aux antipodes de l’emballement médiatique ancré dans l’instantanéité? Pire encore « ce qui compte c’est ce qui est relayé sur les médias ou réseaux sociaux, pas ce qui se passe ou se vit ». Chacun se situe désormais par rapport à ce qui est rapporté par les écrans, télévisés pour les plus âgés, tablettes pour les plus jeunes. L’univers virtuel tend à imposer son emprise et à dicter son rythme.
Professeur à l’Institut langage et communication de l’UCLouvain, Grégoire Lits estime, pour sa part, que la crise du coronavirus « impacte l’ensemble de la société. C’est devenu un fait social total ». Si le traitement du sujet peut sembler envahissant, voire monothématique aux yeux de certains, il le juge pourtant « adéquat, vu le côté global de l’événement ». Cet engouement est momentané, souligne-t-il. Si le Covid-19 occupe le devant de la scène ces semaines-ci, il ne manquera pas de se trouver éclipsé lorsqu’un autre phénomène apparaîtra. Le fait qu’il s’agisse d’une pandémie et non d’une épidémie justifie la dimension planétaire de sa couverture médiatique. « La stratégie belge de la communication repose sur une mise en avant des experts, du porte-parole interfédéral… Il s’agit d’une spécificité nationale, qui rassure. Il y a plus de chance que le message passe. Au Canada, par exemple, les organisations internationales sont davantage présentes » dans le discours officiel des autorités.
Une période propice aux fausses nouvelles
L’incompréhension momentanée d’une réalité appesantit l’imaginaire collectif, en demande de certitudes et d’évidences. Au plus simple, au mieux. L’esprit critique passe à la trappe. Rebouteux et autres guérisseurs se précipitent dans la brèche laissée vacante et viennent proposer leurs remèdes en tous genres. Oui, il est établi qu’un peu de zinc ou de fer vous immunise contre le Covid-19. Pendant ce temps, des milliers de chercheurs planchent sur le virus et ses mutations. En vain.
Les réseaux sociaux et les messageries privées, tous ces lieux de transfert d’information immédiate sont propices au colportage de fausses bonnes idées, comme des trucs et astuces préventifs pour éviter de succomber au coronavirus: boissons chaudes, bains et autres remèdes. Quels que soient les événements, un conseil de base reste d’application: « avant de partager et de diffuser une information, prenez le réflexe de la vérifier. Beaucoup d’agences contrôlent les faits, comme par exemple l’OMS qui répertorie les fake news et les explique. Il faut vérifier les informations présentes sur les groupes de messagerie instantanée », propose Grégoire Lits. Même mot d’ordre du côté de Marie Delmarcelle, une chimiste: « Il faut vérifier! Avec mon esprit scientifique, j’ai du mal à admettre que des gens puissent croire ce type d’infos ou d’annonces! » Tout et son contraire se retrouvent pourtant développés, sans aucun filtre. « Il y a un climat de psychose. Selon leur sensibilité, les gens prennent pour argent comptant ce qu’on leur raconte. C’est le même principe que les régimes. S’il y avait un régime miracle, tout le monde le saurait! » Pour les parents, le rapport aux médias est un enjeu d’éducation. En vivant dans un même espace, les plus jeunes peuvent être témoins de nouvelles angoissantes diffusées par les différents canaux en présence dans un foyer. « Avec mes enfants de 9 et 7 ans, je ne dramatise pas la situation. Je n’ai pas envie qu’ils fassent de mauvaises interprétations », prévient Marie, qui évite l’escalade des nouvelles terrifiantes ou dramatiques.
Un retour en grâce des médias?
Ces dernières semaines, « le niveau de confiance est plus élevé à l’égard de la presse généraliste », observe Grégoire Lits, qui l’estime néanmoins « difficile à mesurer ». Paradoxalement, la consommation médiatique individuelle a augmenté (le public lit des journaux, écoute ou regarde des émissions…) alors même que le contexte de production se trouve fragilisé, puisque « les annonceurs sont plus rares et la presse en difficulté ». Grégoire Lits juge crucial le rôle actuel des médias qui participent à « la transmission de l’information », censément vérifiée, comparée et, somme toute, labellisée d’une étiquette d’autorité reconnue ou validée. Et puis… variez vos sources!
Angélique TASIAUX
(*) « Intermag » est une publication de l’asbl namuroise RAT, Réalisation – Téléformation – Animation.