Un guide consacré à l’architecture contemporaine dans les provinces de Namur et de Luxembourg vient d’être publié. Parmi les bâtiments sous la loupe des architectes se trouve un nombre conséquent d’églises et d’édifices religieux. L’intervention du chanoine Lanotte y est pour beaucoup.
L’abbaye d’Orval, le centre œcuménique de Chevetogne, l’extension du séminaire de Floreffe, l’église Sainte-Julienne, le grand séminaire de Namur, ou encore la chapelle de l’Institut Sainte-Marie… tous ces bâtiments se distinguent par l’esprit novateur qui a prévalu à leur aménagement. Que tant d’édifices religieux aient bénéficié d’une construction ou d’une rénovation innovante revient à l’intervention et aux choix audacieux posés par le chanoine André Lanotte.
Archéologue de formation, celui-ci est chargé par son évêque, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, de mener à bien les travaux dans 160 églises du diocèse récemment endommagées par l’offensive allemande. C’est donc à moto qu’il va entreprendre de les visiter une par une, avant de décider la suite des travaux à leur réserver. Co-auteur du guide « Architecture moderne et contemporaine 1893-2020 », Jean-Paul Verleyen estime le rôle du religieux « essentiel dans l’essor de l’architecture moderne de la province. Il a fait appel à des architectes phares qui ont œuvré avec de nouveaux matériaux, comme l’acier et le verre. Certains villages recèlent parfois des églises exceptionnelles ».
Un décideur clairvoyant
Cécile Vandernoot, co-auteure du guide, revient sur le rôle majeur joué par le chanoine André Lanotte (1914-2010). « Intervenu à un moment crucial à la suite de la Seconde Guerre mondiale, il a porté, dans le diocèse de Namur et de Luxembourg, le mouvement de rénovation de l’art sacré. Cette mission a débuté par une période de relèvement à partir de 1950. Il a fait un grand état des lieux de ces provinces. Visionnaire, il s’est entouré d’architectes de grand talent, mais aussi d’artistes… » Au lieu de reconstruire à l’identique, il a pris le parti de suivre les tendances plus contemporaines, défendues notamment par Roger Bastin ou Lucien Kroll. « Il a suivi la réflexion d’architectes qui allaient repenser avec lui tout l’espace liturgique. La carcasse des bâtiments reste parfois dans des formes trop traditionnelles, mais la force de ces architectes, c’est d’apporter à l’intérieur de la lumière, une forme de spiritualité différente. Ces architectes étaient au fait de l’architecture vernaculaire, bien ancrés dans l’histoire des différents villages. Il y a une modestie et une inventivité des formes et des espaces. » A côté de ce travail, intervient aussi celui d’artistes, pleinement intégrés dans le processus de création. « La spiritualité est aussi portée par l’intervention d’artistes qui vont oser travailler la couleur sur la structure même du bâtiment ou réinterroger la forme du vitrail et arriver à une forme d’abstraction dans ces espaces. »
Une démarche transfrontalière caractérise les options développées. « Le chanoine Lanotte était en lien avec le père Couturier en France, commanditaire du couvent de la Tourette. C’est un réseau de personnalités qui va se côtoyer, partager une même réflexion et développer une démarche autour de l’art sacré. Les échanges favorisent cette ouverture d’esprit », affirme-t-elle. L’influence du concile Vatican II se retrouve également dans la décision de favoriser l’accessibilité des paroissiens et des fidèles. « Il y a d’autres formes de service qui sont élaborées. » Les fidèles se trouvent ainsi placés au centre de la démarche artistique. « On communique différemment. La revue ‘L’art d’Eglise’ voit le jour et, pendant plusieurs décennies, elle va montrer, aux fidèles et aux professionnels, les réflexions qui évoluent », précise encore Cécile Vandernoot.
Avec ce cinquième volume, la série de guides poursuit l’état des lieux de l’architecture en Wallonie. Après des volumes consacrés aux villes et aux alentours de Liège, de Mons, de Charleroi et de Tournai, le dernier guide en date se penche sur la plus grande province de Wallonie. Celui-ci assure de belles découvertes au lecteur curieux de son environnement.
Angélique TASIAUX
« Guide. Architecture moderne et contemporaine 1893-2020. Namur & Luxembourg provinces », sous la direction de Jean-Pierre Verleyen et Cécile Vandernoot. Photographies de Nicolas Bomal. Cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 2020, 496 p. Grâce au soutien de la FW-B, l’ouvrage est en vente au prix de 35€.
Illustration: église Saint-Maximin à Jéhonville (c) Nicolas Bomal