Quel serait le point commun entre poésie et pandémie, hormis leurs voyelles finales ? Eh bien, les poètes en ont trouvé un et replacent la poésie au centre du décor, ou plutôt des attentions, grâce à un geste empli de sollicitude.
Prenant conscience de la solitude absolue qui prévaut lors de certains enterrements, en période de confinement, Carl Norac a eu l’idée de créer les « Fleurs de funérailles – Gedichtenkrans ». A sa suite, se retrouvent mobilisés pas moins de 80 poètes de Belgique, de tous âges, francophones et néerlandophones, et bientôt germanophone(s).
Le titre de Poète national décerné à Carl Norac, en début d’année, n’y est probablement pas étranger. Mais pas seulement. En effet, l’homme aime l’idée de faire découvrir d’autres poèmes, sans se limiter à son unique production.
La générosité comme fil conducteur
L’initiative des « Fleurs de funérailles » revient donc à Carl Norac, à la suite d’une conversation avec son meilleur ami, installé en Italie. « Là, le sens de la famille est sacré. Et mon ami a vu de sa fenêtre des enterrements. Les cérémonies s’y trouvent ‘déritualisées’ et se passent dans la solitude. Il arrive même que des gens soient changés de cimetière, parce que ceux-ci sont pleins. Alors, je me suis dit que nous pouvions au moins offrir un poème partagé, à défaut de se prendre dans les bras. » Et Carl Norac de poursuivre: « lors d’un enterrement, il y a souvent quelqu’un qui prend la parole au nom de la famille. Le poème n’est pas un rituel au sens strict. Il ne se substitue pas à une forme de liturgie ni à une prière. Mais cela n’empêche pas les poètes croyants d’exprimer leur foi dans un poème ».
Originaire de la région montoise, l’auteur se réjouit de l’engouement de ses amis poètes. « Je pensais que nous serions 20 ou 30, et nous sommes 80, de styles poétiques différents. Il y en a qui sont nés avant la Deuxième Guerre mondiale, d’autres ont 25 ans. Il n’y a pas de frontière linguistique et toutes les sensibilités sont représentées dans ce collectif éphémère, le temps de l’épidémie. »
L’idée d’écrire des poèmes pour des gens isolés n’est pas neuve, puisqu’elle avait déjà suivi son chemin aux Pays-Bas, à Anvers et à Bruxelles, plus particulièrement pour les sans-logis décédés dans la capitale. Cette fois, la particularité de l’action est d’être menée à plus grande échelle et de manière conjointe dans les trois régions belges. Pour les personnes en deuil, deux options sont possibles. Des poèmes leur sont proposés sur le site du Poète national. « Les gens dans l’urgence peuvent y trouver un poème. Une traduction de ceux-ci sera même possible en arabe, en turc, en espagnol… grâce à Passa Porta. » A côté de ces poèmes placés en accès libre et prêts à l’emploi, une démarche personnalisée est également envisageable. Dans ce cas, un message doit être adressé aux associations partenaires, afin « de confier la demande à un poète de la région qui récolte des informations et prend en charge l’écriture ».
Durant ces semaines pour le moins particulières, la solidarité se réinvente et explore de nouvelles voies. Les artistes n’y sont pas insensibles. Pour preuve, cet engagement poétique hors norme.
Angélique TASIAUX
Illustration : Pxhere CCO