C’est aujourd’hui, mardi 14 janvier, que s’ouvre le très attendu procès du père Bernard Preynat. Quelques temps forts de cette matinée d’audience, suivie par le journal La Croix.
C’est le procès d’une personnalité complexe qui s’ouvre enfin (le procès a été reporté à cause d’une grève des avocats) ce mardi 14 janvier devant le tribunal correctionnel de Lyon. Bernard Preynat, présent à l’audience, ne sera plus un symbole, mais un visage, et une voix. Un homme qui a exercé une emprise considérable sur la paroisse de Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône) pendant vingt ans.
Faits et peine encourue
Quinze parties civiles feront face à Bernard Preynat, dont dix victimes et cinq associations dédiées à la protection de l’enfance. Certains victimes n’ont pu se constituer parties civiles en raison de faits prescrits parmi lesquels trois viols, ce qui aurait conduit le père Preynat devant une cour d’assise, et non correctionnelle comme c’est le cas aujourd’hui. Bernard Preynat a globalement reconnu les agressions sexuelles pour lesquelles il est jugé. Il est jugé pour « atteintes sexuelles sur des mineurs de moins de quinze ans ». Ce délit est aggravé dans le cas de l’ancien aumônier scout car commis par une personne ayant autorité sur ses victimes par ses fonctions. Il encourt une peine de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.
Une salle comble
Dans le public, des familles de victime et des proches, des victimes prescrites, des chrétiens du diocèse mais aussi des étudiants en droit. Le diocèse, lui, est représenté par Mgr Emmanuel Gobilliard, qui s’est assis du côté des victimes « parce que le diocèse, c’est d’abord les victimes ». A 10h15, le père Preynat fait son entrée, à la dernière minute.
Avant de rappeler le parcours ecclésiastique de Bernard Preynat, la présidente souligne les trois points abordés durant cette première première journée d’audience : la durée des faits et la conscience que Bernard Preynat pouvait en avoir ; le rôle des parents des victimes et enfin le rôle de la hiérarchie. Cette dernière question est une des attentes fortes des victimes.
Une conscience progressive
Le père Preynat est le premier à prendre la parole : » J’ai effectivement reconnu les faits qui me sont reprochés. Je ne rendais pas compte de la gravité de mes actes, je savais qu’ils étaient interdits et condamnables mais je ne pensais pas du tout aux conséquences de ces actes sur les victimes. Pour moi, c’était des gestes de tendresse dans lesquels je trouvais un certain plaisir, il m’a fallu du temps pour comprendre que c’était mal sur le plan moral et condamnable. »
Face à Bernard Preynat, la présidente intervient à plusieurs reprises, insiste sur l’emprise, une notion dont l’ancien prêtre dit avoir tout ignoré jusqu’à son expertise psychiatrique en 2017. Pour justifier son refus de donner les noms de ses victimes aux policiers, Preynat explique : « Ce n’est pas évident de dire à quelqu’un : « Je suis pédophile ». Ce ne sont pas des aveux que l’on fait rapidement. »
La parole aux victimes
François Devaux, cofondateur de l’association La Parole libérée, est la première victime à s’exprimer à la barre. Il cherche ses mots, se racle souvent la gorge. C’est pour lui le moment « le plus dur de ce que j’ai vécu depuis le début de la procédure« . La présidente rappelle les faits qui le concernent, reconnus par Preynat qui lui aurait demandé pardon lors de la confrontation au commissariat de police.
C’est ensuite au tour de Matthieu Farcot de venir témoigner, pour des attouchements entre 1988 et 1991 entre 8 et 11 ans, pour lesquels il a porté plainte en 2016.
Interrogé par la présidente sur la fréquence des « caresses » imposées aux enfants du Groupe Saint-Luc, Bernard Preynat répond avec précision et la présidente de conclure : » Sur un camp d’une semaine, ce pouvait être avec quatre ou cinq enfants. […] Donc pratiquement tous les soirs. »
Une confiance trahie
Me Jean Boudot, avocat de Matthieu Farcot, veut surtout établir qu’elle était l’état de conscience de Bernard Preynat à l’époque des faits. « Quand vous parlez globalement des choses, on a l’impression que vous reconnaissez tout. Mais quand on commence à entrer dans le détail, cela devient beaucoup plus compliqué. » énonce l’avocat qui insiste : « Puisque vous vous cachiez, vous l’aviez cette conscience aussi à l’époque, insiste-t-il. C’est parce que c’est interdit que c’est en cachette, Monsieur Preynat, et pas l’inverse. » Preynat ayant déclaré un peu plus tôt : » Si j’avais senti le moindre rejet de sa part, je me serais arrêté. C’est arrivé que certains enfants montrent une réticence et j’ai immédiatement arrêté avec eux. »
Matthieu Farcot, qui souffre d’un syndrome de stress post-traumatique, s’exprime : » L’enfant qu’on a été reste malgré tout en nous et ne disparaît jamais complètement même quand on comprend la gravité de ce qui s’est passé. Ce n’est pas si simple de sortir de la culpabilité que l’on peut ressentir. » Cette confiance absolue qu’il avait placée dans la religion, trahie par les agissements du père Preynat, est une réalité complexe encore difficile à concevoir pour Matthieu Farcot.
L’audience a été suspendue et doit reprendre à 13h45.
S.D. avec La Croix