Artisan du cinéma social, le Marseillais Robert Guédiguian continue de creuser son sillon. Avec Gloria Mundi, il tape, une fois encore, sur l’ultra-capitalisme.
On ne présente plus Robert Guédiguian, cinéaste français dont la filmographie reflète mieux les valeurs de gauche que n’importe quel miroir. Son nouveau film Gloria Mundi, ne déroge pas à la règle. L’histoire est simple, banale même.
Daniel sort de prison après de longues années. Il retrouve son ex-femme, Sylvie, qui vit maintenant avec Richard, un conducteur de bus. L’heure est aux réjouissances car Mathilda, la fille de Daniel, vient de donner naissance à la petite Gloria. Mais, malgré tout, l’ex-taulard se sent étranger à cette vie qui a avancé alors qu’il était derrière des barreaux. Pour sa famille recomposée aussi, ce n’est pas facile. Endettée, elle n’arrive plus à garder la tête hors de l’eau. Sylvie s’échine à faire des ménages, tandis que Mathilda peine à s’occuper de sa fille avec ses horaires de travail intenables. Broyée par le système ultra-capitaliste et l’individualisme, elle est au bord de la rupture.
Fidèle à ses comédiens
L’intrigue se passe bien sûr à Marseille, ville chérie par le réalisateur. Il retrouve également ses acteurs fétiches. Tout d’abord Ariane Ascaride, son épouse, avec laquelle il a tourné dix-huit films, soit la moitié de sa filmographie. Puis Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan, autre Marseillais, grand ami de Robert Guédiguian. Mais aussi la jeune génération, incarnée par Anaïs Demoustier, rentrée dans la famille Guédiguian en 2011 avec Les neiges du Kilimandjaro et Grégoire Leprince-Ringuet, arrivé en 2009 avec L’armée du crime. La fidélité de Robert Guédiguian à ses comédiens, sa ville et surtout ses convictions force le respect. On peut lui reprocher de
creuser le même sillon sans cesse. De ne pas se renouveler et de rester dans une zone de confort. Mais ce serait passer à côté de son message. Robert Guédiguian a toujours revendiqué son statut d’artiste militant. Son cinéma social existe pour montrer une réalité et faire bouger les lignes. Car depuis son premier film en 1981, le monde n’a pas changé. La fracture sociale s’est même agrandie, entre les riches qui gagnent toujours plus et les précarisés toujours plus démunis. On comprend donc la véhémence du réalisateur qui a choisi le cinéma, ce médium grand public, pour faire passer son message au plus grand nombre.
Un constat sans appel
Gloria Mundi dénonce donc notre société à travers cette galerie de personnages enfoncés dans la pauvreté. Le monde ne fait pas de cadeau à ceux qui ne sont pas nés au bon endroit. Le constat du film est sans appel: quand on vient d’une famille précarisée, on a peu de chances de s’en sortir. Cette conclusion fataliste tombe comme un couperet. On aurait apprécié une touche de légèreté, mais le réalisateur ne voulait probablement laisser aucune porte ouverte et marteler son propos. Outre ce côté plombant, on regrette également les relations entre personnages qui peuvent paraître caricaturales. Les intrigues sentimentales proches d’un « soap » ne sont effectivement peut-être pas indispensables. Mais ce que dit Gloria Mundi de notre monde ne peut que susciter l’interrogation, qu’on partage ou non les convictions du réalisateur.
Elise LENAERTS