Le dimanche 1er décembre s’est ouvert le temps de l’Avent, et une nouvelle année liturgique. L’Avent nous prépare à fêter la naissance du Christ. Ce premier avènement a inauguré les « derniers temps », qui s’achèveront lorsque Jésus reviendra.
Chaque année, quatre semaines durant, l’Avent nous prépare à la fête de la Nativité de Jésus, marque l’avènement du Règne de Dieu, l’Alliance Nouvelle qu’Il scelle avec l’humanité. Tel est, d’ailleurs, le sens du mot « avent » : venue ou avènement (du latin adventus).
L’Avent nous prépare à commémorer la venue du Fils unique de Dieu dans notre chair, dans notre Histoire, il y a quelque deux mille années. Se rappeler que Dieu est entré dans l’Histoire est essentiel pour le chrétien.
Pour d’autres courants spirituels, nombreux, aujourd’hui comme dans le passé, le monde et son Histoire ne sont qu’une illusion à laquelle il faut échapper pour accéder au salut, qui réside dans une autre dimension.

Le Règne de Dieu
Pour la foi chrétienne, au contraire, l’humanité est sauvée au cœur même de son Histoire. Dieu, en effet, est intervenu dans l’Histoire, et Il veut la conduire à son accomplissement. Autrement dit, c’est l’Histoire des hommes, et notre histoire à chacune et chacun, avec tout ce quelles comportent, qui sont destinées à s’accomplir spirituellement, à être divinisées, comme d’ailleurs toute la création. Cet accomplissement commence le jour de Noël, qui inaugure le Royaume de Dieu, cette « autre dimension », ici-bas.
L’avènement du Fils de Dieu, dans l’enfant de la créche, renvoie cependant à deux autres « avents », qui lui sont étroitement liés, et qui sont également mis en valeur pendant le temps liturique de l’Avent. L’Avent consiste en effet aussi à nous préparer à la venue du Christ et du Règne de Dieu en nous, à accueillir le règne de l’Amour, au cœur de notre intimité la plus profonde – ce que la philosophie classique appelle notre « âme », et que les spiritualités d’inspiration orientales appellent volontiers notre « conscience » ou notre « moi profond ». C’est là que Dieu veut établir sa demeure, en esprit et en vérité. Enfin, la liturgie veut porter notre regard sur l’avènement futur et pleinement accompli du Christ, à la fin des temps, et donc sur l’accomplissement annoncé de nos vies et de l’univers entier, dans la victoire définitive de l’Amour sur le mal et sur la mort.
Veiller
Comment, concrètement, nous préparer à ces trois avènements: celui de la première venue du Messie, le jour de Noël, l’avènement spirituel de Jésus, en nous, et l’avènement du Christ en gloire, à la fin des temps? Cette préparation tient en un seul mot: veiller. L’évangile du premier dimanche de l’Avent, cette année, nous le rappelle: « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient. Comprenez-le bien: si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi: c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » (Mt. 24, 42-44).
Veiller. Se réveiller, se tenir en éveil. Ne pas oublier que le Seigneur doit revenir à la fin des temps, se tenir prêt pour ce grand bouleversement qui doit arriver, et qui signera l’accomplissement de toutes choses en Dieu, y compris nos existences.
Ne pas oublier qu’Il va venir, cela veut dire aussi: l’attendre, préparer activement sa venue, participer au travail de Dieu. Ce travail, Dieu l’a commencé en suscitant l’univers par amour. Il le poursuit en faisant grandir les êtres sprituels que nous sommes, et qu’Il appelle à partager sa propre Vie. Ce travail, pareil à celui d’un enfantement, est entré dans sa phase finale avec la venue, la mort et la résurrection de son Verbe fait chair. Ce travail, Dieu le poursuit aujourd’hui par l’Esprit de son Fils, qui agit en nous et à travers nous, nous rendant semblables à Lui.
C’est à ce travail que, tous, nous sommes appelés à participer, car ce n’est qu’à travers nous que Dieu peut changer le monde, le rendre meilleur, habitable pour chacune et chacun, sans exception. Cette participation est possible, à notre modeste niveau, si nous laissons l’Esprit, qui est en nous, nous habiter, nous imprégner, et imprégner chacun de nos actes.
Accueillir sa Présence en nous
Ne pas oublier que Jésus est déjà venu, attendre son retour, cela veut dire aussi être attentif, être éveillé à sa présence, ici et maintenant. C’est là, peut-être, la meilleure façon de préparer son ultime avènement: le laisser naître et grandir en nous, accueillir sa Présence en nous, Lui qui est là, en Esprit, au plus profond de notre être. C’est en accueillant cette Présence qu’elle se rendra de plus en plus présente dans tous les aspects de nos vies, aussi les plus concrets, les plus quotidiens.
L’accueil de cette Présence suppose que nous arrêtions nos activités à certains moments, que nous nous retirions dans le silence, à un moment de la journée, pour rentrer en nous-même. Aujourd’hui, de nombreuses personnes redecouvrent qu’elles ont une vie intérieure. De nombreuses personnes pratiquent différentes formes de méditation, à l’aide de méthodes simples, accessibles, afin de (re)trouver un équilibre intérieur.
Or, la tradition spirituelle chrétienne, tant orientale qu’occidentale, regorge de maîtres en méditation, en oraison, dont les enseignements sont tout aussi accessibles. Pensons à saint Augustin, sainte Thérèse d’Avila, sainte Elisabeth de la Trinité, Charles de Foucauld, Frère Roger de Taizé, et bien d’autres… Leur expérience peut nous aider à faire taire le bruit qui est en nous, et à tourner notre regard vers l’intérieur. Non pour faire le vide, mais pour y découvrir, peu à peu, Celui qui est en nous-même, en même temps qu’au-delà de nous-même, la Présence de Celui qui nous habite et qui nous permet de nous réaliser véritablement.
« Voici, je me tiens à la porte et je frappe », dit Jésus dans l’Apocalypse. « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai la cène avec lui, et lui avec moi », dit Jésus dans l’Apocalypse » (Ap. 31 20). La porte à laquelle frappe Jésus, c’est celle de notre « moi profond », de notre âme. Dieu lui-même ne peut forcer cette porte, il ne le veut d’ailleurs pas. Dieu ne peut entrer que si nous lui ouvrons la porte, si nous l’accueillons, peu importe si notre accueil s’avère bien pauvre. Dieu lui-même ne s’est-il pas fait le plus pauvre, le plus fragile d’entre nous?
Christophe Herinckx
© Hebdomadaire Dimanche n° 43 du 1er décembre 2019
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