S’ils ne sont pas touchés, les jeunes ne se bougent pas pour le monde qui les entoure. C’est la conclusion principale d’une étude réalisée pour « Annoncer la Couleur ».
Annoncer la Couleur (ALC) est le programme fédéral d’éducation à la citoyenneté mondiale (ECM) et aux objectifs de développement durable (ODD) de la Coopération belge au Développement, coordonné et mis en œuvre par l’Agence belge de Développement, Enabel.
Ce programme vise à ancrer et renforcer l’éducation à la citoyenneté mondiale dans l’enseignement belge. C’est pourquoi il propose aux secteurs de l’enseignement et de l’ECM un soutien stratégique, un renforcement des pratiques pédagogiques et se positionne en tant que centre de connaissances, d’innovation et d’expertise en éducation à la citoyenneté mondiale.
En effet, les jeunes, conscients des interdépendances mondiales et de l’importance des ODD, agissent en citoyens du monde et s’engagent pour un monde plus juste et plus durable.
S’engager pour un monde meilleur
Le sondage a été réalisé sur un groupe important de 500 jeunes, âgés de 14 à 19 ans, via un questionnaire en ligne, pendant les mois de juin et juillet 2019. Les résultats ont été confrontés aux vécus de 40 enseignants via des focus groupes et des entretiens approfondis.Le document ne sera officiellement présenté que jeudi 5 décembre. Mais l’enseignement majeur qui ressort de cette enquête a déjà été dévoilé.
Les jeunes ont envie de faire bouger le monde mais ils ne l’expriment que lorsqu’ils sont personnellement touchés par une situation d’injustice. Telle est la conclusion de cette grande étude réalisée par Annoncer la Couleur. Bien qu’ils se concentrent sur ce qu’ils vivent au quotidien, l’enquête nous confirme qu’une part non négligeable de la jeunesse belge francophone a envie de s’engager pour un monde meilleur. Et cela est porteur d’espoir.
L’émotion au cœur de l’engagement sociétal
Le sondage, mené par l’institut Dedicated Research, visait à mieux comprendre les valeurs, les préoccupations et le positionnement des jeunes sur des grands enjeux de société. Les conclusions vont toutes dans le même sens : les jeunes se recentrent sur eux-mêmes et accordent davantage d’attention à ce qui leur est proche par rapport à la société qui les entoure. Pour plus de 90% des jeunes sondés, la famille, les amis et leur avenir occupent une place importante. C’est à leurs référents familiaux qu’ils accordent leur confiance, contrairement aux médias et politiciens, dont ils se méfient fortement. C’est également envers leur entourage direct qu’ils sont les plus solidaires.
Néanmoins, près de 50% d’entre eux affirment vouloir s’engager pour un monde meilleur, empreint de justice et solidarité. Le levier à actionner pour ce faire est l’accroche émotionnelle ; les jeunes s’investissent à partir du moment où ils sont touchés, se sentent concernés et peuvent s’identifier à une cause (par exemple par un témoignage dans leur classe ou une rencontre).
Concernant les valeurs, le respect, l’honnêteté, la loyauté, la justice et la solidarité sont les plus importantes aux yeux des jeunes. Toutefois celles-ci séduisent moins de 40% des sondés.
Le corps enseignant confirme et propose des solutions
Les résultats du sondage ont été soumis aux enseignants. Ils confirment ces tendances et avancent une explication. « Le recentrement sur leur cercle proche et l’étiolement de l’adhésion à des valeurs humanistes est dû au climat anxiogène qui règne autour des jeunes (actualité, réchauffement climatique, monde « en crise », chômage…). Ils ont tendance à se protéger derrière une identité, un milieu d’appartenance. » témoigne l’un des enseignants rencontrés. Par ailleurs, le « moi d’abord » est devenu audible et légitimé par le modèle renvoyé par les adultes.
Mais les enseignants apportent également des solutions pour que les jeunes agissent en citoyens responsables et solidaires. Tout d’abord, il convient de les ouvrir au monde en partant de ce qui concerne les jeunes dans leur quotidien, en favorisant une accroche émotionnelle. Les problèmes liés aux crises dans le monde interpellent peu, sauf si les jeunes peuvent les raccrocher à leur vécu. Par exemple, la question de la crise migratoire acquiert une dimension beaucoup plus émotionnelle lorsque les élèves côtoient des primo-arrivants. Une problématique qui touche surtout les jeunes bruxellois.
Quelques chiffres
On notera par exemple, dans les chiffres présentés dans ce rapport, que 75 % des jeunes interrogés se positionnent contre la vente d’armes. Si 69 % des jeunes interrogés trouvent inacceptable de renvoyer des migrants dans un pays où ils risquent la torture, ils ne sont que 58 % à se sentir concernés par le mauvais accueil accordé aux réfugiés en Belgique et par les conditions de vie des immigrés chez nous. D’après l’enquête, ils sont 81 % à se préoccuper de l’environnement. Ce à quoi les enseignants répondent : « La question climatique sensibilise, interpelle tout en créant de la confusions. Elle suscite des peurs surtout chez les plus jeunes. Les élèves sont donc sensibles et preneurs quand il s’agit de mettre en place des petits gestes aux résultats immédiats, cela contribue probablement à les rassurer. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, les jeunes ne font pas confiance aux réseaux sociaux, seuls 14 % ont une grande confiance et 32 % assez confiance. Mais seul 1 jeune 3 fait encore confiance aux médias traditionnels. Ils se disent aussi mieux informés sur le racisme et les catastrophes écologiques que sur des questions telles que l’économie ou encore le repli identitaire.
Les rendre acteurs
Ensuite, les enseignants interrogés en appellent à un meilleur développement de l’esprit critique ; les cours magistraux ne permettent pas, selon eux, d’inciter les jeunes à prendre du recul. En outre, les professeurs sondés préconisent d’aborder les choses de manière positive, en montrant ce qui fonctionne, ce qui va bien, « et si on redorait le monde dans lequel on vit ? » suggèrent-ils.
Enfin la participation des jeunes est essentielle ; les rendre acteurs et actrices et les mettre en projet favorise l’interaction et l’implication. « L’éducation à la citoyenneté mondiale est donc plus que jamais un axe d’apprentissage indispensable pour une jeunesse qui perd un peu ses repères » affirme Florence Depierreux, coordinatrice du programme « Annoncer la couleur ».
Sur ce point, le sondage permet aussi de montrer que la propension à se mobiliser serait un peu plus élevée chez les filles. 7% des jeunes méconnaissent totalement le milieu associatif mais 47 % ont déjà participé à une action menée par une ONG/associations caritatives. Parmi les actions proposées aux jeunes sondées, celle qui remporte le plus de suffrage est signer une pétition (51%) et celle qui en remporte le moins « militer dans un parti/une association ». 40% des jeunes estiment qu’il est utile de réagir sur internet et de participer à des rassemblements.
Consulter le rapport complet en cliquant sur ce lien.
S.D.