Ce qui pose question dans la démarche des députés pour modifier la loi sur l’avortement, c’est la transparence. Dans un dossier qui touche à un thème qui modèle notre société, la démarche est-elle donc réellement démocratique?
La question peut paraître saugrenue dans la mesure où les parlementaires sont élus par l’ensemble de la population. Dès lors, oser s’interroger sur la légitimité des débats actuels autour de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) peut apparaître pour le moins douteux. Il ne s’agit pas de critiquer le travail parlementaire. En revanche, c’est la méthode qui pose question.
Profitant du fait qu’il n’y a pas de gouvernement fédéral de plein exercice, les débats qui se déroulent dans l’hémicycle se font loin des médias et surtout sans aucun débat public. C’est un dossier complexe et douloureux, dans lequel tant de critères entrent en ligne de compte. Il constitue donc une balise importante pour définir la société dans laquelle nous voulons vivre. Ce qui interpelle, c’est la volonté de faire passer en hâte des modifications à la loi de 1990; en appuyant sur une majorité de circonstances.
On touche à la vie
Un de ces changements envisagés est de transformer l’IVG en simple « acte médical ». De ce fait, on occulte la détresse de ces mères en devenir, qui interrompent leur grossesse. Tous, quelles que soient nos convictions, comprenons le drame que vivent certaines femmes face à des situations catastrophiques. Raison pour laquelle, une décision de mettre fin à une grossesse ne se prend pas à la légère. Alors, pourquoi vouloir réduire à quarante-huit heures le temps de réflexion laissé pour prendre la décision d’avorter ou non, sachant que selon la loi actuelle, un délai de six jours de réflexion au moins doit être respecté entre l’entretien préalable et l’intervention en elle-même sauf s’il existe une raison médicale urgente? Par ailleurs, un amendement prévoit que soit supprimée l’obligation d’information par rapport à l’adoption, partant du principe que « c’est infantilisant ». Certes, les femmes savent que cette possibilité existe, mais lorsqu’on est dans la détresse d’une grossesse non voulue, y songent-elles?
Là où on touche à la vie, c’est dans la prolongation du délai maximum pour pouvoir avorter. Il est actuellement de douze semaines et les propositions déposées visent à le prolonger à dix-huit semaines; certains partis voulaient même aller jusqu’à vingt-quatre semaines! Faut-il rappeler que le cœur est le tout premier organe fonctionnel du corps humain, dès les débuts de la vie utérine? Les premiers battements du cœur apparaissent moins d’une semaine après la conception. Et qui dit battement de cœur, dit aussi « vie ». Voilà pourquoi l’Eglise entend protéger cette vie en construction. Une Eglise qui condamne l’acte, mais jamais la personne!
Dans les propositions déposées, il n’est plus question de sanctions à l’égard des médecins qui ne respecteraient pas le délai légal maximum. Alors, à quoi sert d’instaurer un délai? Cela signifie-t-il qu’on pourrait procéder à une IVG jusqu’à quelques jours de la naissance? Si c’est ça, c’est un meurtre.
Pour en revenir à la question de savoir si le débat actuel est démocratique, pour qu’il le soit réellement, il eut fallu un grand débat, avec l’avis d’experts et de représentants de toutes les composantes de la société et surtout des échanges en toute transparence. Parce qu’une question taraude: lorsque notre vote s’est porté sur un candidat, étions-nous informés de sa position quant à ce dossier éthique? Elire des député(e)s n’est pas leur donner un blanc-seing surtout pour des thématiques qui forgeront la société de demain. Et ici, il reste comme un goût: celui de voir la fragilité bafouée!
Jean-Jacques DURRÉ
Les évêques belges veulent un débat de fond
En raison d’un possible élargissement des conditions de l’avortement, les évêques de Belgique ont publié le 12 novembre une déclaration dans laquelle ils s’inquiètent notamment que l’IVG soit à l’avenir considérée comme une intervention médicale ordinaire. Avec tout ce qui en découle.
« Au-delà d’une modification dans la pratique, il s’agit d’un changement dans la signification de l’interruption de grossesse », estiment les évêques belges, qui ajoutent que si certains veulent voir l’avortement comme un simple acte médical, « il ne sera pas vécu ainsi ». Les membres de la Conférence épiscopale pensent « qu’en suggérant qu’il s’agit d’une intervention ordinaire, la loi ne tient nullement compte du ressenti et du vécu de ces personnes ». Avec le risque de « prendre les questions à la légère » et d’augmenter encore plus le désarroi et la solitude des personnes concernées.
« Considérer l’avortement comme un simple acte médical en fait aussi un droit », poursuivent les évêques. Et cela pose question. Aussi, pour le médecin, « invoquer la notion de liberté de conscience sera de plus en plus difficile même si on la maintient ».
La vie en débat
« L’état de droit garantit la protection de la dignité humaine et de l’intégrité physique de chacun », rappellent encore les évêques qui posent aussi un certain nombre de questions: ‘N’en est-il pas de même pour une vie humaine à naître? Pourquoi faire comme si ce n’était pas encore la vie’? Où est la limite »? Pourquoi justement là »? Pourquoi ces questions sont-elles si rarement, voire jamais abordées dans le débat? »
Enfin, pour l’Eglise de Belgique, « des avertissements ont retenti dans la presse, dans les milieux médicaux et universitaires. Ils ne proviennent pas d’une perspective idéologique particulière. Ce problème concerne toute la société et chacun de nous. Comme si les arguments n’avaient plus d’importance ».
Et les évêques de conclure: « Il est incompréhensible qu’une question d’une telle importance et si délicate soit traitée aussi vite et sans débat de fond préalable ».
On ne peut que leur donner raison!
J.J.D./S.D.
La lettre des évêques à lire sur le site www.cathobel.be