Avec Les éblouis, la réalisatrice Sarah Suco parle de ce qu’elle a elle-même vécu: le combat d’une adolescente prise au piège d’une communauté religieuse aux tendances sectaires.
A douze ans, Camille vit dans une famille aimante, avec ses deux petits frères et sa jeune soeur. Passionnée par le cirque, elle ne sait pas encore vers quelle discipline elle va se diriger, mais elle s’entraîne sous le regard protecteur de son père. Sa mère, elle, est plus réticente. Elle traverse une mauvaise passe depuis la naissance de son dernier enfant et n’aspire qu’à retrouver une vie active. Lorsqu’elle croise le chemin de la Communauté de la Colombe, elle se laisse séduire par leurs paroles bienveillantes. Les membres de cette communauté religieuse mènent des actions sociales, prient et prônent le partage et la solidarité. Les parents de Camille ne voient donc aucun mal à s’intégrer à leur groupe. Ils commencent par prendre part à leurs activités. Qui deviennent de plus en plus fréquentes et exigeantes. De fil en aiguille, la maman de Camille se voit proposer un poste de comptable au sein de la communauté. Elle l’accepte avec joie, sans se méfier. Camille, elle, se sent de plus en plus mal à l’aise, coupée du monde, à vivre selon des préceptes rigoureux qui n’ont aucun sens pour elle. Quand elle tente de s’exprimer, elle est rapidement muselée par la force du groupe. Comme dans une secte en fait, qui menace l’intégrité de toute la famille.
Expérience personnelle
Pour son premier film, la réalisatrice Sarah Suco a choisi d’aborder un thème qu’elle connaît bien. Quand elle était enfant, elle a elle-même dû suivre ses parents dans une communauté charismatique. Après dix années qu’elle a vécues comme un enfer, elle a finalement pu s’en échapper. Elle était alors âgée de dix-huit ans. Aujourd’hui, la jeune femme a trouvé le courage de parler de cette période difficile de sa vie, à travers la fiction. Elle nous raconte donc l’histoire de cette jeune adolescente avec un regard compréhensif mais sans haine. On sent qu’elle sait de quoi elle parle et qu’elle veut communiquer ce qu’elle a vécu. L’aveuglement des parents embrigadés, leur désarroi face aux remarques de plus en plus véhémentes de leur fille, l’incompréhension des proches, tous les éléments sont criants de vérité. Sarah Suco nous fait suivre pas à pas l’endoctrinement des parents. De l’extérieur, cela n’a rien d’effrayant. La communauté est même plutôt accueillante puisqu’elle transmet des valeurs saines de solidarité. Mais elle commence à inquiéter quand elle enferme la famille, la privant de sa liberté, même si le couple a l’air consentant.
Interrogée par Michel Drucker dans Vivement dimanche prochain, la réalisatrice française a expliqué avoir voulu montrer la réalité de ces communautés aux tendances sectaires. Elle brise l’image du temple avec des gens en toge qui se suicident en priant le soleil. Celle dont elle nous parle est beaucoup plus insidieuse. Elle montre surtout les conséquences pour les enfants retenus de force. Aujourd’hui sans contact avec ses parents, Sarah Suco a dédié le film à ses frères et soeurs. Son témoignage émouvant, filmé à hauteur d’enfant, n’attaque personne directement. Il met simplement en garde contre les dérives sectaires.
Elise LENAERTS