Un célèbre auteur de polar est retrouvé mort dans sa somptueuse demeure. Et voilà qui lance une enquête passionnante, digne d’un roman d’Agatha Christie transposé dans l’Amérique contemporaine.
Les couteaux sont affûtés, prêts à être lancés. Dans la famille Thrombey, on pratique l’art de la dissimulation comme on joue aux dames. Le patriarche, Harlan, célèbre auteur de polar, a transmis ses gènes à ses rejetons. Quand il est retrouvé froid comme la pierre dans son manoir, c’est à une véritable partie de Cluedo que sont conviés les inspecteurs. Preuve de la technicité de l’affaire, un anonyme convoque même Benoît Blanc, détective de haut vol, à qui rien n’échappe. Car le crime parfait n’existe que dans les romans. Mais même pour ce détecteur de mensonges vivant, cette énigme s’annonce corsée. Entre les enfants délaissés, les histoires d’héritage, d’argent, de gloire, le détective vient de mettre le doigt dans une pelote de laine bien retorse.
Les enquêtes en huis-clos, quand elles sont bien ficelées relèvent de l’art. C’est le cas dans A couteaux tirés, nouveau film de Rian Johnson. Loin de l’univers Star Wars pour lequel il a officié précédemment (L’épisode VIII, Les derniers Jedi), le réalisateur américain part vers celui des détectives et des secrets de famille. Un genre délicat, au vu des risques de tomber dans le pastiche ou le chemin trop évident. Car dans la fiction, les enquêtes type Cluedo sont légion. Qui n’a jamais vu ou lu Le crime de l’orient express, Mort sur le Nil ou Les dix petits nègres? Pratiquement personne! Mieux encore, rares sont ceux qui détestent fondamentalement ce type de récits. Les chausse-trappes et autres revirements de situation font travailler l’imagination du spectateur, au fil du développement de l’enquête. Quoi de plus amusant, en effet, que d’être promené sur de fausses pistes, et de jouer mentalement les détectives. On pourrait presque y voir de la magie, à condition d’avoir un scénario digne de ce nom.
Un jeu irrésistible
Heureusement, c’est le cas ici. A couteaux tirés est un savant mélange de ressorts classiques, agrémenté de touches originales qui font toute la saveur de l’enquête. Les personnages, pour commencer, sont croqués à la perfection. On retrouve les grands archétypes: le chouchou, la fille mal-aimée, la servante dévouée, le détective qui a toujours une longueur d’avance, mais ils sont remodelés. L’inspecteur Benoît Blanc, sorte d’Hercule Poirot, nous gratifie ainsi d’un humour flegmatique et acéré des plus savoureux. Le casting alléchant (Daniel Craig, Christopher Plummer, Chris Evans, Toni Collette) tient donc toutes ses promesses.
Plus encore que l’humour, c’est aussi la précision de l’écriture qui épate. La grande Agatha Christie n’aurait pas fait mieux. Certains détecteront toujours les ficelles avant tout le monde, mais il leur faudra certainement plus de temps que d’habitude avant de percer les mystères de cette enquête. Ludique et contemporain, A couteaux tirés dépoussière donc le polar façon Cluedo d’une main de maître. Il n’a d’autre prétention que de divertir. Mais il le fait sans fautes. Sortez votre uniforme de Sherlock, la partie peut commencer.
Elise LENAERTS