
Comment sont arrivés les saints qui figurent sur nos calendriers? Plus de 10.000 noms sont inscrits sur la liste définie par l’Eglise catholique. Et chaque année, ou presque, le pape en ajoute. Plongée dans cette procédure complexe.
Le jour de la Toussaint, le 1er novembre pour les catholiques, marque la fête de tous les saints. Nous sommes certes tous appelés à la sainteté, mais la reconnaissance canonique de la sainteté d’une personne déjà montée au Ciel n’est pas automatique. Autrement dit, nous visons tous ce même objectif de ressembler à Dieu par une conduite exemplaire, mais seuls certains sont reconnus comme modèles dans ce domaine.
Dans le long processus de canonisation, tout part de la « réputation de sainteté » d’une personne. Si elle est établie, la personne en question sera tout d’abord appelée par l’Eglise « serviteur de Dieu ». C’est à partir de là que l’enquête proprement dite peut débuter. L’entourage du défunt, que ce soit sa famille ou ses proches, contacte un évêque ou un supérieur de congrégation religieuse, afin que ces derniers puissent confier à un « postulateur » une enquête à mener en recueillant des témoignages, des écrits, tout ce qui pourrait permettre de déblayer le terrain autour de la prétendue sainteté de la personne. Normalement, la cause ne peut être introduite que cinq ans après la mort du serviteur de Dieu, mais ce délai peut être exceptionnellement raccourci, comme ce fut le cas pour mère Teresa et Jean-Paul II.
Une enquête rigoureuse
Une fois le dossier constitué, il est envoyé au Vatican, plus précisément à la Congrégation pour la cause des Saints. Celle-ci étudie de nouveau le dossier, en compagnie d’historiens et de théologiens. Au cours de la procédure intervient également le promoteur de la foi, sorte d’avocat général, dont la mission est de chercher ce qui aurait pu avoir été laissé de côté ou faire de l’ombre à la béatification du serviteur de Dieu. Une fois cette étape franchie, celui-ci est déclaré « vénérable ».
Mais pour autant, le plus dur n’est pas encore arrivé. Pour pouvoir être béatifié, un miracle doit être reconnu par l’Eglise, sauf s’il s’agit d’un martyr. Cette enquête délicate est menée à partir du dossier médical d’un miraculé, par une série d’experts, de médecins et de théologiens. Cette étape n’est pas simple, les critères médicaux étant assez sévères. Il arrive d’ailleurs régulièrement que de prétendus miracles soient recalés. Si l’équipe en charge de l’étude du miracle donne son accord, le pape peut signer le décret de béatification et fixer une date pour la célébration.
A partir de là, en route vers la dernière étape. Pour que le bienheureux puisse être canonisé, un deuxième miracle doit être reconnu. Celui-ci doit avoir lieu après la béatification. Dans le cas de Jean XXIII, le pape François a décidé de canoniser ce dernier sans un second miracle.
Cependant, cette longue procédure n’est pas la seule en vigueur. D’autres voies existent, bien que plus rares. Comme par exemple l’équipollente. François y a déjà eu recours quatre fois. Dans ce cas, pas besoin de miracle, la réputation du candidat fait foi, et c’est le pape qui décide par décret d’étendre à l’Eglise universelle le culte liturgique d’une personne. Benoît XVI s’est servi de cette procédure pour Hildegarde von Bingen par exemple.
Une autre voie, toujours d’actualité dans certains coins du globe, est celle du martyre. Morts pour la haine de leur foi. Le martyr fait ici office de premier miracle et permet la béatification. Le second miracle est cependant toujours nécessaire pour la canonisation. C’est l’option suivie dans le dossier du père Jacques Hamel, assassiné en pleine eucharistie le 26 juillet 2017.
50.000 euros pour un saint
Par toutes les voies possibles, la reconnaissance du rang de bienheureux, puis de saint suppose du temps, de l’énergie, et de l’argent. Chaque diocèse ou congrégation religieuse qui porte une cause doit réunir une somme de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour les frais de la procédure à Rome. En 2015, le journaliste Gianluigi Nuzzi avait dénoncé dans son livre (bien nommé) « Chemin de Croix » des tarifs exorbitants pour certains dossiers qui ne semblaient plus avancer. Depuis quelques années pourtant, le pape François tente d’assainir cette question financière auprès de la Congrégation pour la cause des saints. Un fonds de solidarité a notamment été mis en place pour aider les diocèses démunis en puisant dans l’argent collecté de manière excessive pour le compte d’autres canonisations.
Certaines régions du monde, en Afrique notamment mais aussi en Amérique du Sud, souffrent de cette difficulté à faire avancer la cause des modèles de foi qui ont vécu dans leurs contrées. Il faut d’abord réunir les preuves et les témoignages, ce qui peut représenter un épais dossier. Puis, le diocèse essaie de rassembler la somme nécessaire aux frais de la procédure, au Vatican. La désignation des experts par exemple, et leurs déplacements au lieu où la personne en voie de sainteté a vécu, tout cela coûte cher proportionnellement aux budgets ecclésiaux. Certaines régions apostoliques dans les pays en développement ont à faire un choix entre la construction de nouvelles églises, l’argent nécessaire à la catéchèse et la liturgie et, souvent en troisième lieu, le financement du procès en béatification et canonisation. Il est donc heureux que François ait clarifié le fonctionnement du système en mettant en place une grille tarifaire bien établie, mais non communiquée publiquement. Autrement dit, les postulateurs des causes actuelles savent à quoi s’en tenir.
A nous Occidentaux, il semble normal que chaque pays du monde puisse s’inspirer d’un(e) saint(e) qui ait connu pendant sa vie terrestre les conditions de vie dans ce même pays. Et pourtant, aujourd’hui il n’y a pas –loin de là- une représentativité de toutes les nations dans le peuple des saints. Si l’on s’en tient aux trois derniers pontificats, 1.424 personnes ont été reconnues en terme de sainteté. Une très grande majorité des cérémonies de canonisation concernait des Italiens, des Français ou des Espagnols, éventuellement missionnaires dans un autre pays. Les deux papes Jean-Paul II puis François ont été les plus actifs en matière de promotion de nouveaux saints. Sur l’ensemble du pontificat de Jean-Paul II, plusieurs dizaines de saints sont venus de l’Europe de l’Est (Pologne, Lettonie, République tchèque, Slovaquie). Hors Europe, le nombre de pays concernés diminue sensiblement. Le pape François a élevé plusieurs chrétiens venant du Mexique, de la Colombie, d’Argentine, du Brésil ou de la Bolivie au rang de saints. L’extension du nombre de pays concernés est-il dû à l’assouplissement des règles de financement du procès de canonisation? L’autre hypothèse consisterait en un choix fait par le pape en fonction, qui privilégierait telle ou telle nationalité. Dans tous les cas, la sainteté n’est pas simple à obtenir.
A-F. de BEAUDRAP (avec P.A.)
BELGA PHOTO POOL FRANCOIS LENOIR