Avec leur nouveau film Hors normes, le duo de réalisateurs d’Intouchables aborde le monde de l’autisme. Et il réussit, une fois encore, à trouver le ton juste, entre rires et larmes.
De l’extérieur, ce sont des enfants comme les autres. Mais quand on tente d’établir un contact visuel, de communiquer avec eux, ils se dérobent. Souvent, on résume leur trouble en les associant à des génies coupés des conventions sociales. Car le monde de l’autisme est encore fort méconnu du grand public qui se limite souvent aux représentations romancées de la fiction. Rain Man, pour ne citer que la plus célèbre, a ainsi façonné l’image de l’autiste qui sait compter les cure-dents tombés sur le sol mais ne peut supporter le moindre contact physique. Heureusement, peu à peu, le spectre s’élargit. On commence à voir la complexité de ce trouble qui s’exprime de mille façons différentes. Le dernier film d’Olivier Nakache et Eric Toledano participe à sa façon au changement de regard sur le syndrome d’Asperger.
Comme pour les précédents, le duo a pris le temps de creuser son sujet. Plus encore que Samba, Intouchables ou Le sens de la fête, Hors normes est le fruit d’une longue réflexion. Car les deux réalisateurs français ont porté ce projet pendant vingt ans. C’est leur rencontre avec Stéphane, un éducateur spécialisé, qui leur a ouvert les portes de ce monde. Le film s’inspire librement de son histoire. Il s’appelle ici Bruno et a dédié sa vie à ces enfants réputés ingérables. Les réalisateurs ont choisi de parler des cas violents, que leur trop grande différence a écartés des institutions. Personne ne les comprend, alors on les enferme en hôpital psychiatrique en les gavant de médicaments. Bruno et son ami Malik travaillent l’un et l’autre dans des associations qui viennent en aide à ces gamins. Aidés par des jeunes des banlieues en réinsertion, ils tentent une approche plus douce et compréhensive qui semble porter ses fruits. Malgré tout, ces associations ne sont pas tout à fait légales. Elles sont tolérées car indispensables, mais n’ont pas de statut clair. Des inspecteurs menacent de fermer celle de Bruno, le motivant encore plus à sauver ces enfants délaissés.
Un regard sur l’inclusion
A travers leur film, Olivier Nakache et Eric Toledano espèrent faire ouvrir les yeux sur cette situation. En maniant l’humour et l’émotion – leur marque de fabrique –, ils font comprendre l’importance de l’inclusion dans nos sociétés individualistes. On reconnaît leurs valeurs, cet attachement au groupe, comme dans Le sens de la fête, la mixité de Samba et le travail social d’Intouchables. Leur volonté de vivre ensemble transparaît dans leur casting, volontairement ouvert. Plutôt que de choisir des acteurs pour incarner les jeunes autistes aux côtés de Vincent Cassel et Reda Kateb, le duo a préféré se rendre dans la compagnie Turbulences qui emploie des personnes souffrant de ce type de trouble. Hors normes transpire donc de justesse. On assiste ainsi aux moments de grâce, comme aux rechutes. Et on en ressort ému par le formidable travail de ces gens, avec l’envie de reconsidérer le regard qu’on portait sur ces personnes. Voilà un film profondément humain.
Elise LENAERTS