L’iconographie chrétienne réserve une place de choix à la Mère de Dieu ou Sainte Vierge. D’où viennent d’ailleurs ces appellations? A quand remonte la plus ancienne représentation connue de Marie? Régis Burnet, professeur d’exégèse du Nouveau Testament à l’UCLouvain, nous éclaire.
A propos des origines, il y a, comme bien souvent, débat. « On dit souvent que la fresque très mutilée de la catacombe de sainte Priscille datée du début IIIe siècle. pourrait être la plus ancienne », nous explique Régis Burnet. Mais une plaque de sarcophage, de la même époque, conservée au Vatican, semble être la plus ancienne représentation « certifiée ». L’image de la Vierge à l’Enfant ne proviendrait pas directement des textes bibliques, même si on peut penser qu’elle a été déduite du récit de l’Adoration des Mages ou Adoration des Bergers (comme sur ledit sarcophage). La représentation de la Vierge à l’Enfant est, avec le crucifix, l’image la plus fréquente de tout le christianisme. » Il n’est quasiment pas d’église catholique, tant dans le monde occidental qu’oriental, où elle n’est pas présente », affirme notre expert.
Mère de Dieu
Les appellations et/ou les épithètes qui caractérisent la mère de Jésus et donc sa représentation sont le fruit de l’Histoire et de l’évolution de l’Eglise. Selon les époques, de l’Antiquité jusqu’à nos jours, différentes images de Marie vont être valorisées, en fonction de la sensibilité des temps. Sainte Vierge est une désignation de Marie en rapport avec sa maternité virginale. Mais « l’iconographie de Marie suit largement le culte marial », précise Régis Burnet. Ce dernier voit le jour à la fin du IIIe siècle à Jérusalem et s’intensifie au cours des débats christologiques des siècles suivants. La figure mise en avant est alors celle de la Theotokos, la Mère de Dieu, littéralement « celle qui a porté Dieu », désignation très fréquente par ailleurs chez les orthodoxes. Une affirmation christologique plus que mariologique qui permet de dire et de montrer le Christ « vrai homme et vrai Dieu ». Dans ce cas, la Vierge est représentée en Majesté, assise, gouvernant le ciel et tenant son enfant. Marie apparaît comme une véritable impératrice, portant ses costumes et bijoux. « Au cours du Haut Moyen-Age, poursuit notre expert, de nouvelles fêtes liturgiques conditionnent la réalisation d’icônes et d’images: l’annonciation, la dormition, la présentation du Christ. Des fêtes liées aux récits apocryphes sont également ajoutées: la Nativité de la Vierge et la Présentation de la Vierge au Temple. »
Une grande Dame
Plus tard, la théologie fera de Marie la protectrice par excellence, elle prend alors le nom de « Notre Dame », popularisé par les moines cisterciens. Naît à cette époque une série de représentations de Vierge à l’Enfant où celle-ci n’est pas nécessairement en majesté mais tient son enfant comme une mère. « Cela devient, à partir du XIIIe siècle, le sujet le plus fréquent en art avec le crucifix », souligne le professeur Burnet. Au XIIe siècle, une nouvelle spiritualité liée à l’Immaculée Conception fait naître une série d’images de Marie immaculée dont le type emprunte petit à petit ses traits à l’Apocalypse: Marie couronnée d’étoile écrase le serpent, la lune sous ses pieds. Ce sera aussi l’image la plus fréquente des apparitions: Vierge de Guadalupe, Vierge de la Rue du Bac, Vierge couronnée de Lourdes. Aussi, « les couleurs traditionnelles de Marie changent: alors qu’elle portait une robe rouge et un manteau bleu sombre, presque noir, elle se vêt de blanc et de bleu ».
Marie aujourd’hui
Quelle fut donc la période la plus productrice pour l’image de Marie? « Certainement la nôtre en termes d’objets », répond d’emblée Régis Burnet. « Depuis le XIXe siècle, les apparitions mariales, couplées avec la production d’objet manufacturés, a inondé le christianisme de statues, assiettes, images pieuses. Ce sont massivement les objets liés à des sanctuaires: Lourdes, Fatima, Beauraing… » ajoute-t-il. Enfin, comment expliquer l’attrait pour la figure de Marie, à travers l’art et les siècles? Pour Régis Burnet, c’est certainement sa proximité avec Jésus, et, à partir du Moyen Age son rôle protecteur et d’intercession qui en a fait une figure majeure et incontournable.
Sophie DELHALLE
Photo: Vierge à l’enfant. Fresque du VIe siècle conservée au monastère Sainte-Catherine du Sinaï (Egypte).