Ouvrir son cœur et accueillir la différence


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Ouvrir son cœur et accueillir la différence
Par Angélique Tasiaux
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
4 min

Sensible et joliment illustré, l'album "Louis et Aimée" décline le handicap à hauteur d'enfant. Florence Givelet, l'énergique maman de Louis, revient sur la création de ce livre.

"Louis et Aimée" a-t-il été inspiré par votre vie de famille ?

Exactement. C'est une histoire très habitée. Elle a été écrite pour raconter le handicap aux enfants avec le plus de douceur et de tendresse possible, sans oublier d'évoquer le rejet et la peur. Je suis la maman d'un petit garçon qui vient d'avoir quatre ans et est porteur d'un syndrome rare. Quand Louis a eu un an, après une année d'hospitalisation assez lourde, j'ai cherché des livres pour mes trois enfants plus âgés. Mais les livres étaient explicatifs sur le handicap, alors que j'avais envie de raconter une histoire à mes enfants et leur dire 'n'aie pas peur. Ça va bien se passer. On va y arriver ensemble et ce petit garçon va nous apporter beaucoup de choses'.

Cette peur de la différence est-elle présente chez les enfants ?

Les adultes peuvent cacher leur peur. L'avantage des enfants, c'est qu'ils la disent. Ce livre a été écrit pour les enfants, mais il permet aussi d'appréhender les peurs des parents.

Aimée existe-t-elle ?

Oui. Des enfants qui aiment sans poser de question un enfant porteur de handicap, ça existe. Ce sont des enfants qui aiment sans condition, parce qu'ils ont cet amour de l'autre. Oui, les enfants différents auront des amis. Et s'ils n'en ont pas, vous, les parents, serez à leur recherche et en trouverez.

Etre la maman de Louis a-t-il suscité un changement en vous ?

Ça a changé mon regard en profondeur sur l'être humain. Nous, les bien-portants, ne réalisons pas la chance que nous avons d'avoir un corps bien portant. Il s'agit d'ouvrir les yeux sur la beauté du corps humain et sur le fait que chaque enfant est terriblement unique et irremplaçable. La présence de Louis bouleverse tout dans nos vies. On est capables d'accepter les difficultés des autres enfants avec plus de recul.

Comment gérez-vous la peur ?

Je remercie souvent le Seigneur de ne pas avoir eu de colère contre Lui ou contre Louis. Ça arrive souvent chez les parents d'un enfant porteur de handicap, d'avoir soit de la colère qu'il ne soit pas comme les autres, soit d'être dans le déni. J'ai eu peur que cet enfant ne meure. Peu importe la différence de ce petit garçon, c'est un enfant que j'ai porté et que j'aime. Cet amour de maman est gigantesque. Un des plus grands conseils que j'utilise, c'est 'un pas après l'autre'. J'appréhende la peur sans me projeter trop loin. Je me dis: 'essaye d'aimer le mieux possible, chaque jour'. Mais on ne peut pas prévenir toutes les peurs!

Etes-vous devenue l'ambassadrice des mamans ?

Chaque histoire est terriblement personnelle. En fait, je le vois plutôt dans l'autre sens. En parlant de ce livre, mon mari et moi avons envie de dire: 'venez à nous, notre porte est ouverte'. C'est un cri pour entrer en relation avec les gens. Quand je vois d'autres mamans confrontées au handicap, j'ai envie de leur dire 'merci pour cet amour que tu portes à ton enfant marqué par la vie. Ton enfant a du prix. A travers lui, tu aimes aussi mon enfant porteur de handicap'. Je veux prendre le chemin de la joie. Cela relève d'une décision.

Est-ce un séisme d'accueillir le handicap dans sa famille ?

Chez nous, ce qui a été difficile, ce sont les hospitalisations. Elles ont chamboulé notre quotidien. L'acceptation de la différence s'est faite de façon naturelle, parce qu'on avait juste envie d'aimer notre fils. Le jour de l'annonce, j'étais prête, parce que je sentais dans mon cœur qu'il était différent. Il y a un choc de se dire: 'c'est arrivé dans notre foyer'. On dit souvent que Louis, qui a des difficultés respiratoires, est le poumon de notre famille!

Autour du handicap, de nombreux couples explosent.

Il y a des paroles de médecins ou de l'entourage qui peuvent faire beaucoup de peine. Si les couples vacillent, c'est notamment en raison du fait qu'on est tellement concentrés sur cet enfant malade et les éventuels autres enfants que le couple s'oublie totalement. S'il n'y a pas de la famille, des amis, des médecins bienveillants qui sont aussi capables de rendre service, je comprends que le couple puisse exploser. Parfois, on se donne à l'autre bout du monde, alors qu'il suffit de toquer à la porte d'à côté et se forcer à aider. Et puis, avant tout, il y a une fatigue omniprésente. Si ce n'est pas un enfant malade, c'est un enfant qui va voir beaucoup de spécialistes…

Vous avez choisi de partager vos droits d'auteur.

Oui, ils sont tous reversés à L'Arche. Je remercie Jean Vanier d'avoir dédié sa vie à la personne la plus faible de nos sociétés actuelles. J'ai l'espoir que si mon enfant ne peut pas s'insérer dans la société de manière classique, il aura un endroit où se reposer auprès de personnes bienveillantes.

Angélique TASIAUX

Florence Givelet – de Lespinay – by.bm, "Louis et Aimée. Une rencontre extraordinaire". Paris, Mame, janvier 2019.

Catégorie : Culture

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