Ce dimanche 23 juin, se tenait une cérémonie d’hommage en la mémoire du défunt cardinal Danneels, à la Grande Synagogue de Bruxelles. Le cardinal Jozef De Kesel a pris la parole pour dire l’importance de résister face à toute forme d’antisémitisme.
Parmi les personnalités présentes, outre le cardinal Jozef De Kesel, l’assistance comptait également comme représentants catholiques, Mgr Harpigny et Mgr Cosijns. L’Exécutif musulman de Belgique était représenté par son vice-président Sala Echalloui et Madame Delphine Laroche secrétaire générale de l’EMB. Les Ministres d’Etat Marc Eyskens et Jacques van Ypersele ont également souhaité participer à cet hommage. Pour le culte orthodoxe, le Père Psallas Evangelos représentait quant à lui Mgr Athenagoras, métropolite de Belgique.
Défendre notre société démocratique
Dans son discours, Maître Philippe Markiewicz, président du Consistoire central israélite depuis 2015, a expliqué les raisons de cet événement par lequel « la communauté juive tient à souligner le rôle fondamental » joué par Mgr Danneels « dans le développement harmonieux des relations judéo-chrétiennes en Belgique« , relations qui constituent d’ailleurs un exemple pour l’Europe.
Il a souligné que cette attitude ouverte et amicale du défunt cardinal avait également permis des relations constructives avec d’autres cultes et/ou confessions et la laïcité. Un hommage qui s’imposait également pour la manière dont le cardinal Danneels a toujours condamné fermement les propos négationnistes et défendu la préservation du site d’Auschwitz, pour entretenir la mémoire de la Shoah.
Philippe Markiewicz a également rendu hommage au cardinal De Kesel, « homme qui souhaite avant tout entretenir des relations dynamiques et constructives« , une personnalité que le président du Consistoire a qualifié de « richesse pour tous« . Et d’ajouter que ce « catholicisme d’ouverture » est un « gage essentiel » pour une « démocratie éclairée au sein d’une Société où l’Ethique règne en Maître« .
L’avocat s’est dit toutefois inquiet pour l’avenir du pays même si, selon lui, l’optimisme doit l’emporter et qu’il est du devoir des différents cultes de « défendre notre société démocratique tout en restant neutre sur le plan politique. » Il conclut sur ces mots: « La Belgique doit rester un exemple de bien vivre ensemble. C’est notre mission à tous. »
Un patrimoine spirituel commun
Mgr De Kesel a remercié le président du Consistoire pour cet hommage, signe de l’amitié et du respect réciproques que Mgr Danneels entretenait avec la communauté juive. « Cela n’a malheureusement pas toujours été le cas au long de l’histoire, une histoire au cours de laquelle l’Eglise a eu une influence déterminante mais où elle n’a pas toujours été innocente. Je le dis en toute vérité mais aussi avec beaucoup de chagrin et de tristesse. C’est l’horreur de la Shoah qui nous a définitivement ouvert les yeux. » a notamment reconnu le cardinal. Le drame de la Shoah a donc amené » l’Eglise à repenser ses liens avec le peuple juif. » Des liens qui sont devenus indéniablement des liens d’amitié. Dans ce processus de construction, au service de l’amitié judéo-chrétienne, le cardinal De Kesel a ainsi rappelé la contribution du Concile Vatican II, avec la déclaration « Nostra Aetate » sur les relations de l’Église catholique avec les religions non chrétiennes. Et il a mentionné ces mots prononcé par le cardinal Danneels, dans la synagogue même, il y a une dizaine d’années : « Nous chrétiens, nous sommes en effet les rameaux greffés sur le vieil olivier. »
Le cardinal poursuit son discours et insiste sur l’héritage de Vatican II qui a « libéré » l’Eglise. « En effet, de par son histoire et de son passé, l’Eglise était devenue de plus en plus une institution autosuffisante. Comme si elle n’avait pas besoin des autres et se suffisait à elle-même. Le Concile l’a libérée de ce comportement stérile. Il n’y a pas de renouveau sans ouverture à l’autre. Ouverture au monde, bien sûr. Ouverture à d’autres religions et à d’autres convictions. Et dans cet appel au dialogue et à la rencontre, notre attention va d’abord au judaïsme. »
Pour le cardinal De Kesel, qui parle d’amitié parle aussi et nécessairement de solidarité et de solidarité réelle et engagée. « Car l’amitié engage ». Face à la montée de l’antisémitisme, qui peut prendre des formes très subtiles, il convient de faire preuve d’une extrême vigilance, a-t-il souligné. Et il est du devoir de l’Eglise d’alerter et de conscientiser non seulement les chrétiens mais aussi chaque citoyen du danger qui menace. L’antisémitisme nous concerne tous, pas seulement les Juifs. Car, toute forme d’antisémitisme est « une attaque contre l’humanité de la personne même ». De telle sorte que cette résistance fait partie de notre défense commune de la dignité de l’homme. Le cardinal Danneels parlait d’un immense patrimoine spirituel commune que nous avions à défendre, et qui aujourd’hui nous engage à porter cette « responsabilité commune pour le bien de notre pays, de notre continent européen et au service de la justice et de la paix dans le monde », termine l’archevêque de Malines-Bruxelles.
Le grand Rabbin Guigui a conclu cette cérémonie en disant que la reconnaissance « est une vertu cardinale ». Il a mentionné comme un des moments les plus importants de sa vie, la demande de pardon exprimée par le cardinal Danneels, au nom de l’Eglise, sur un plateau de télévision. « Merci pour le bien accompli sur cette terre ! Que son souvenir soit béni. » a-t-il ainsi déclaré.
S.D.
Illustrations : (c) Tommy Scholtès